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15/04/2008

Du travail

Travail et santé
« Le travail, c’est la santé/ Rien faire c’est la conserver/ Les prisonniers du boulot/ Font pas de vieux os ». Chantait dès 1965 le regretté Henri Salvador. Plus de quarante ans après, ces paroles aux allures de boutade ont leur place parmi les grandes vérités de notre époque. Car le nombre des suicides liés, peu ou prou, à des conditions abusives de travail ne cesse d’augmenter en France. A cela s’ajoutent toutes les pathologies, physiques ou psychiques, qui résultent d’une demande de rendement toujours plus accru. Si l’on avait encore des doutes sur ce sujet, « Travailler à en mourir », l’excellent documentaire de Paul Moreira, avait largement de quoi les faire s’évaporer. Programmé jeudi 13 mars – à plus de 23 heures, il est vrai - par France 2, il dressait un portrait édifiant des méthodes et des pressions de l’entreprise actuelle. Celle-ci, on le sait, rejette sans état d’âme tous ceux qui ne peuvent pas s’adapter à ses rythmes forcenés. Mais c’est peut-être pire pour ceux qui y parviennent. A travers les cas de Claudia, Rudy et Jean-Luc, ce film soulignait les effets pervers de la compétitivité à tout crin ; effets volontiers occultés dans les discours de ceux qui font l’apologie de la productivité nationale et de la croissance économique. Qu’en est-il au niveau humain ? Opératrice téléphonique dans une importante société de télécommunications, Claudia a été licenciée parce qu’elle parlait trente secondes de trop lors des appels – car tout est désormais comptabilisé. Avertissements, stress, dépression et procès : elle n’a plus jamais retrouvé une stabilité sociale depuis. Il y a pire. Ainsi Jean-Luc. Longtemps intérimaire, il avait fini, à force d’acharnement, à démontrer sa valeur professionnelle et obtenir un CDI. Lorsqu’ il est tombé dans un coma où il est toujours. Quant à Rudy, il est mort d’un arrêt cardiaque après avoir travaillé vingt et une heures non stop. Corvéables à merci, les travailleurs précaires sont les premiers touchés dans ce système qui n’a de fin que le profit, fut-ce au mépris des droits les plus élémentaires. Il faudra bien, un jour ou l’autre, admettre le caractère inhumain du néo-libéralisme. En attendant, saluons France Télévision pour programmer, même à des heures tardives, des documents qui ne caressent pas le pouvoir actuel dans le sens du poil.

Leçon de Gide
Dans « L’Immoraliste », l’un de ses livres de jeunesse, André Gide a ce mot lumineux et définitif sur le travail : « Tout travail qui n’est pas joyeux est lamentable ». Toutes les théories marcusiennes sur le travail ludique y sont déjà en germe. Ou bien, ou bien. Ou joyeux ou lamentable. Il n’y a pas, en ce domaine, d’autre alternative. Il faut se demander, dans la France d’aujourd’hui, comment se répartissent les deux termes de cette proposition logique. Qui peut se targuer d’exercer un travail qui, chaque matin, le fait se lever avec joie, le tire en avant ? Assurément, ceux-là sont beaucoup moins nombreux que tous ceux à qui le réveil procure une impression d’accablement. Pour une raison ou une autre. Car il ne faut pas sous-estimer l’ennui qui résulte de ces postes occupés sans enthousiasme, seulement pour justifier un salaire à la fin du mois. Ce sont, évidemment, presque des sinécures en comparaison de la pénibilité physique de certains emplois, comme dans le secteur du bâtiment. Le candidat-président qui faisait, l’an dernier, miroiter les avantages des heures supplémentaires défiscalisées a-t’il jamais travaillé sur un chantier, dans une usine ou pour une société de déménagement ? Dans ce cas, il saurait qu’au bout de ses sept ou huit heures journalières, un homme, même jeune et robuste, n’ a plus assez d’énergie pour remettre ça, qu’il ne songe plus qu’à aller se décrasser et se reposer. Pour tous ceux-là, le temps libre représente une nécessité vitale et non un manque à gagner. Il est d’ailleurs honteux que ces métiers épuisants ne soient pas mieux rémunérés (la plupart sont payés au SMIC horaire) ni ne fassent l’objet d’un régime spécial de retraite, en France. Ce n’est quand même pas pour rien qu’il y a, entre un cadre supérieur et un ouvrier, un écart d’espérance de vie de douze années. On ne risque pas, comme ça, de redonner le goût du travail à des gens qui n’ont pas de vocation particulière, pour qui il est seulement un moyen honnête de se procurer l’argent nécessaire à leur subsistance. Etant bien entendu que l’équation travail=salaire n’épuise pas – loin de là ! – la signification et les possibles de cette activité fondamentale de notre humanité. En ce sens, on peut dire que le travail, à notre époque, est en dessous de ce qu’un homme moyennement formé peut en attendre.

Coluche sauce ADECCO
« Il a été fleuriste, comédien, humoriste, restaurateur. » Voici l’aimable slogan qui accompagne l’image de Coluche revisitée, à toutes fins publicitaires, par ADECCO. Et les créatifs du groupe d’agences intérimaires de conclure : « les gens sont pleins de ressources humaines. ». Un petit refrain à priori charmeur mais qui cache mal de voraces appétits : car nous savons depuis longtemps ce que valent les hommes pour cette nouvelle catégorie d’exploiteurs. Certes, cette affiche - comme d’autres – n’aurait pas été possible sans l’accord de la veuve et des enfants de Coluche. Ce sont eux qui ont vendu les droits à ADECCO et, juridiquement, cette utilisation est incontestable. Mais est-ce que le défunt trublion du PAF aurait jamais accepté de faire de la pub pour un groupe intérimaire ? Au su de son parcours turbulent et corrosif, on peut honnêtement penser que non. Plus: on peut même imaginer avec quels termes il aurait accueilli cette proposition. C’est là un cas typique de mésaventure posthume qui peut toujours arriver aux grands contestataires de la société moderne : elle qui est si habile à ressusciter les morts pour son profit.

Bruno DA CAPO

16:31 Publié dans Numéro 4 | Lien permanent | Commentaires (0)

07/04/2008

Cinéma: "Berlin" de Julian Schnabel

Cinéma : « Berlin » de Julian Schnabel




Plasticien de réputation internationale devenu réalisateur, Julian Schnabel nous avait habitués à des films sensibles comme « Avant la nuit » ou « Le scaphandre et le papillon ». Qu’a-t’il voulu faire exactement en filmant Lou Reed reprenant sur scène – à New-York – les chansons de son album « Berlin » ? Une œuvre originale ? Ce serait plutôt difficile, vu le caractère mythique de ce disque (sorti pour la première fois en 1973). Un clip étiré ? Un documentaire ? En tous les cas, ce n’est rien de plus à l’écran. Pendant près d’une heure trente, sa caméra suit la prestation du chanteur sous divers angles mais sans la moindre originalité. Ce travail-là, j’ose dire que n’importe quel cinéaste amateur, pour peu qu’il soit doté de la même logistique, aurait pu le faire, et sans doute en mieux. Pas d’enchaînement, pas le moindre souci esthétique, à l’exception de quelques surimpressions où apparaît la belle Emmanuelle Seigner, sensée ici jouer le rôle de Caroline (l’un des deux personnages phares de l’album). Et c’est vraiment dommage, car le réalisme narratif de ces chansons les prédisposait à leur conversion filmique. Peut-on imaginer ce qu’aurait donné en images « The Kids », avec ses pleurs d’enfants enregistrés ? Ou « The bed », quand le chanteur décrit – avec quelle perversité ! – le suicide de Caroline ? Précisément, les spectateurs de ce « film » devront se contenter de l’imaginer : une façon de laisser le champ libre à leur rêverie, me dira t’on. Merci monsieur Schnabel. Et comme vous supposiez qu’ils connaissaient par cœur les textes et leur traduction, vous ne vous êtes même pas donné la peine d’inclure une bande sous-titrée. Quand aux trois chansons supplémentaires que Lou Reed interprète en fin de parcours (et qui n’appartiennent pas à cet album), elles ne font que souligner l’essoufflement de ce tournage et la nécessité de parvenir, coûte que coûte, à la durée moyenne d’un long-métrage.
Reste que cette entreprise a bénéficié d’une exceptionnelle couverture médiatique (je songe, en particulier, au remarquable supplément des « Inrockuptibles paru à cette occasion). Mais une telle promotion au service d’un tel résultat, c’est grands moyens et petit genre. Mieux vaut encore rester chez soi, mettre « Berlin » dans son lecteur de CD et se faire son propre cinéma.


Erik PANIZZA

19:25 Publié dans Numéro 4 | Lien permanent | Commentaires (0)

01/04/2008

les éditions du Port d'attache

Les éditions du Port d'attache viennent de sortir leur troisième titre, "la Muse transalpine", un essai sur la poésie italienne contemporaine du poète et traducteur André Ughetto. Dans la première partie de l'ouvrage, l'auteur dresse un panorama détaillé de la création poétique italienne au XXeme siècle, s'attachant à pointer les différences avec le statut et la réception de la poésie en France. Dans la seconde partie, il propose quelques-unes de ses traductions, notamment des poèmes de Dino Campana, Eugenio Montale et Sergio Solmi. Un petit livre qui séduira certainement tous ceux que la culture italienne passionne ou qui s'efforcent de la promouvoir par leur action et leur enseignement. On peut commander directement cet ouvrage de 44 pages au siège des éditions du Port d'attache, chez Jacques Lucchesi, 7 rue de l'Eglise Saint-Michel, 13005 Marseille ( prix public: 6 euros + 2 euros pour le postage)

15:28 Publié dans Numéro 4 | Lien permanent | Commentaires (0)