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29/04/2016

Tchernobyl : et après ?

 

                    

 

 

 C’était il y a trente ans, le 26 avril 1986, quelque part en Ukraine – alors république soviétique. Un réacteur venait d’exploser dans une vieille centrale nucléaire, déversant un magma mortel. Aussitôt des militaires et des ouvriers – les fameux « liquidateurs » - avaient été dépêchés par le régime pour éteindre, coûte que coûte cet incendie pas tout à fait comme les autres. Tant à Moscou que dans les autres capitales européennes, on se gardait bien de dire la vérité sur cet « accident » et ses conséquences. Après tout, le printemps était doux et ça allait plutôt bien en Europe, cette année-là. Le spectre d’une troisième guerre mondiale ne hantait plus les esprits. La perestroïka, sous la houlette de Mikhaïl Gorbatchev, commençait à faire son chemin, sans que l’on sache à quoi elle allait aboutir. En France, aussi, il y avait du changement. Le socialisme cédait peu à peu le pas au libéralisme. Une nouvelle majorité était sortie des élections législatives et allait instaurer, à la tête de l’état, une situation encore inédite sous la 5eme République : la cohabitation. Alors Tchernobyl, à trois mille kilomètres d’ici…Certes, il y avait bien le vent qui poussait un gros nuage ukrainien vers l’Europe occidentale. Mais nos experts étaient formels : il s’était arrêté à la frontière franco-allemande. Vraiment bien élevé, ce nuage…Et puis, un peu plus de radio-activité dans la nature (qui n’en manque guère), ce n’est quand même pas ça qui allait nous tuer. On en avait vu d’autres depuis Hiroshima.

Ce n’est qu’un peu plus tard que nous avons compris l’ampleur de la catastrophe qui venait de se produire – et celle, encore plus terrible, que nous avions évité. Quand nous avons appris que  des milliers d’irradiés étaient voués à une mort prématurée pour avoir travaillé à éteindre ce sinistre réacteur. Quand nous avons vu, à la télévision, ces bébés ukrainiens nés avec des malformations congénitales épouvantables. Quand nous avons su que la centrale avait été fermée et que les populations avaient été évacuées dans un rayon de cinquante kilomètres, laissant des bourgades entières vides de toute vie humaine, rendues à une nature désormais pestiférée. Quand, en France, le taux des cancers de la thyroïde (causés par l’excès d’iode 131) est grimpé en flèche quelques années après. Alors nous avons commencé à réviser notre opinion sur le nucléaire.

Car il était, jusque là, associé dans nos esprits à la guerre, à la bombe, à Hiroshima, voire aux essais dans le Sahara et le Pacifique. Pas à la production d’électricité, pas au nucléaire civil dont le développement avait été acté, un peu partout en Europe, à partir des années Soixante. Le danger, maintenant, venait d’ailleurs ; le danger était dans la périphérie de nos villes : à Cadarache, au Tricastin, à Bugey, à Flamanville, à Gravelines…Les autorités tenaient, bien sûr, un discours rassurant: les normes de sécurité sont, chez nous, autrement plus fiables qu’en Russie. Et puis, il n’y a pas d’autre alternative pour qu’EDF continue à nous fournir notre énergie au meilleur prix.

Aujourd’hui, trente ans après, nous savons que ce n’est plus vrai ; qu’une autre industrie énergétique est possible, même au prix d’une inévitable restructuration. Nous savons surtout que d’autres accidents sont possibles, même dans nos contrées, par négligence, obsolescence ou même malfaisance délibérée. Néanmoins, les centrales nucléaires continuent, un peu partout, à proliférer. Et le pouvoir – le pouvoir socialiste élu pour s’occuper aussi de ce problème –  n’en finit pas de tergiverser, repoussant au prochain quinquennat la fermeture des plus anciennes et des plus fragiles centrales, comme celle de Fessenheim. C’est à croire que l’électrochoc de Tchernobyl – même avec son rappel de Fukushima – n’a pas été assez fort. En faudra-t’il un autre, encore plus terrible, pour accélérer ce nécessaire processus ?

 

 

                        Jacques LUCCHESI

22/07/2013

Bruissements (23)

 

E-cigarette : alors que le prix du paquet de cigarettes n’en finit pas d’augmenter - + 40 centimes, ces jours-ci -, le marché de la cigarette électronique profite de ces hausses à répétitions. En France, on estime déjà à cinq cents le nombre de boutiques diffusant cet équipement. D’origine chinois, celui-ci implique un investissement de départ d’environ 100 euros, mais l’économie se fait ensuite sur le montant des recharges par rapport à la durée et au prix moyens des paquets ordinaires. En outre, l’E-cigarette éliminerait, exception faite de la nicotine, la plupart des substances toxiques contenues dans les cigarettes en papier. Si c’est à priori un mieux pour les fumeurs invétérés, elle n’en reste pas moins une incitation à fumer, surtout pour les adolescents – cibles privilégiées de l’industrie du tabac - : car pourquoi se priver d’un plaisir s’il est (presque) exempt de tout risque ? A cette banalisation assumée s’adjoint le problème de ceux qui se croient ainsi dispensés de l’interdiction de fumer dans les lieux publics et c’est, bien sûr, source potentielle de conflits. Pour couper court à la polémique, Marisol Touraine, ministre de la santé, a décidé de bannir l’E-cigarette dans les lieux déjà interdits aux fumeurs. Un geste courageux qui confirme son souci de l’intérêt général des Français et que nous tenons à saluer ici. Reste à savoir comment se fera son application sur le terrain.

Monsanto : bonne nouvelle, aussi, pour tous ceux qui ne croient pas à la parfaite innocuité des produits transgéniques. La firme américaine Monsanto a officiellement retiré, le 17 juillet, ses demandes d’homologation pour plusieurs de ses produits en Europe (dont le maïs, le soja et la betterave à sucre). Ce retrait renforce la volonté d’interdiction de la France, mais aussi de l’Allemagne et de l’Italie, qui se sont ainsi opposées en ce domaine aux directives européennes - lesquelles avaient initialement autorisé la culture transgénique dans l’U E. Du reste, le problème continue de se poser en amont, avec les importations de fourrage américain génétiquement modifié par l’Europe. Et jusqu’à nos propres cheptels qui sont déjà nourris avec de telles semences. Chassez le transgénique par la porte, il revient par la fenêtre.

Tchernobyl : une récente étude épidémiologique, effectuée en Corse, a confirmé le lien entre la recrudescence des cancers de la thyroïde et le « nuage » de Tchernobyl, lequel fit alors (avril-mai 1986) une halte durable et remarquée sur le port d’Ajaccio. A l’époque, ses habitants avaient cru à une brume marine et des milliers de gens, au lieu de se renfermer chez eux, avaient continué d’aller et de venir, baignant ainsi dans une atmosphère radioactive. On sait désormais ce qui leur advint par la suite. Si les pouvoirs publics d’alors savaient, les populations concernées ignoraient ce qu’elles savent, presque toutes, aujourd’hui. Malgré tout, l’actuel gouvernement continue de jouer la montre vis-à-vis d’un problème qui exigerait des décisions rapides et courageuses. Ne fut-ce que pour honorer quelques promesses de campagne.

Tricastin: périodiquement, Green Peace se fait un devoir de tester la sécurité de nos centrales nucléaires et d’alerter ainsi l’opinion publique. Cette année, son choix s’est porté sur celle du Tricastin (Drôme) qui alimente en énergie la région lyonnaise et la PACA. Le 15 juillet, au petit matin, 29 de ses militants ont escaladé en toute tranquillité les murs de la centrale et ont passé ainsi trois niveaux de sécurité pour mettre le doigt là où ça fait mal, c'est-à-dire sur les fissures de la cuve du réacteur numéro 1 – dont une de 11 millimètres. Ce n’est que plusieurs heures après que les militants ont été délogés et interpellés par la police: imagine-t’on ce qu’aurait pu faire, en ce laps de temps relativement long, un commando de véritables terroristes? Mais la sécurité n’est pas plus certaine au niveau des structures internes, comme ils l’ont audacieusement montré. En fait, la vétusté de centrale du Tricastin, tout comme celles de Fessenheim, Gravelines, Bugey et Blayais, nécessiterait sa fermeture d’ici 2020. Mais quoiqu’un plan de transition énergétique soit actuellement en discussion, le poids des lobbys pro-nucléaire risque fort de peser sur les décisions gouvernementales. Dans ces conditions, ramener la part du nucléaire à 50% des fournitures énergétiques du pays a de grandes chances de revenir à un autre gouvernement que celui-ci, malgré tout ce qu’avait pu dire le candidat Hollande. C’est contre ce laxisme et ces atermoiements inquiétants que s’insurge, avec raison, Green Peace. Pour remercier l’ONG de ses actions salutaires, on envisage, place Beauvau, un renforcement des sanctions pénales pour ses membres toujours emprisonnés. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond chez nos dirigeants.

 

                             Erik PANIZZA