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10/02/2017

   Polanski et ses Erynies

                  

 

 Jusqu’à quand un homme doit-il payer pour ses fautes passées ? C’est la question qui est posée avec ce nouvel épisode de « l’affaire Polanski ». Mais rappelons d’abord brièvement les faits dont on l’accuse. En mars 1977, alors qu’il tourne  Chinatown , Roman Polanski, 43 ans,  a un rapport sexuel avec une mineure, une figurante âgée de seulement 13 ans. Un mois plus tard, les parents de l’adolescente portent plainte pour viol. Polanski conteste l’accusation, plaide non coupable puis coupable. Mais durant cette année-là, un arrangement est trouvé entre les deux parties et le cinéaste évite le procès. Pas la prison, toutefois, puisqu’il y passera 47 jours. L’année suivante, apprenant qu’il risque malgré tout la peine maximale – 50 ans d’emprisonnement ! - , il décide de quitter les USA pour venir vivre en France. Commence pour lui une seconde carrière et une seconde vie, puisqu’il aura deux enfants avec l’actrice Emmanuelle Seigner. En 1994, nouveau rebondissement : la justice américaine, qui a abaissé sa peine à 4 ans d’incarcération, souhaite son retour aux Etats-Unis. En vain. Mais Polanski aura quand même versé 225 000 dollars de dédommagement à sa victime. Près de dix ans plus tard, alors qu’elle s’est mariée et a eu des enfants, elle pardonne publiquement à Polanski et souhaite même qu’il puisse assister à la cérémonie des Oscars. Prudent, le cinéaste reste en Europe. C’est en Suisse qu’il sera néanmoins arrêté et incarcéré, en septembre 2009, menacé d’une extradition à laquelle il échappera de justesse. A cette occasion, le monde artistique se mobilisera en sa faveur.

On aurait pu penser qu’à 83 ans, le grand cinéaste franco-polonais allait pouvoir vivre tranquillement, et peut-être oublier cette trouble affaire. Mais non ! Une poignée de féministes françaises en ont décidé autrement. Apprenant qu’il devait présider la prochaine cérémonie des Césars, elles ont d’abord lancé une pétition, fin janvier, pour mettre en avant son passé de « violeur ». Car pour elles, il ne peut y avoir ni pardon ni prescription quand un homme a attenté à l’honneur d’une femme dans le monde, surtout si c’est une personnalité publique. La dite pétition ayant recueilli 60 000 signatures, elle a commencé à intéresser les médias. Aussi, devant l’ampleur qu’elle prenait, Polanski a donc décidé de jeter l’éponge. Il ne présidera pas cette cérémonie où la profession cinématographique s’auto-célèbre. Ce n’est pas un gros préjudice pour lui, eu égard à sa carrière prestigieuse, elle qui n’a pas besoin de ce genre de prestations télévisuelles pour rayonner. Mais c’est certainement une victoire pour ses accusatrices qui prouvent, encore une fois, l’influence prise par l’idéologie féministe dans le champ politique et social. Reste que cet acharnement révèle chez elles un sens extrêmement partisan de la justice. Il ne tient aucun compte ni des souhaits de celle qui fut la victime de Polanski ni de l’évolution personnelle de ce dernier. En cela il est comparable à ces divinités de la vengeance que les grecs anciens appelaient Erynies et dont le courroux ignorait la limite même de la mort. Mais il est vrai, aussi, qu’elles venaient du Tartare, c'est-à-dire de l’Enfer.

 

                           Jacques LUCCHESI