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03/08/2012

Procès russes

 

 

 

 

  Jusqu’à présent, la plupart des occidentaux laïques - dont nous sommes - croyaient que les accusations publiques de blasphème n’étaient plus que le triste apanage des pays musulmans (on a vu récemment les salafistes à l’œuvre en Tunisie). Avec le procès des trois jeunes chanteuses du groupe Pussy Riot qui s’est ouvert à Moscou le 30 juillet, notre naïveté a volé en éclats. Il faut quand même dire que Vladimir Poutine était directement visé par ce happening rapidement interrompu qui s’est déroulé dans la cathédrale moscovite du Christ Sauveur, le 21 février dernier. Avec beaucoup de hardiesse, ce petit groupe néo-punk a déclamé, devant l’autel, une singulière prière demandant à « Marie, Mère de Dieu, de chasser Poutine. ». On frémit en songeant que ce sympathique trio féminin croupit depuis en prison et risque plusieurs années de détention à l’issue d’un procès retransmis à la télévision, comme pour les plus grandes affaires criminelles. Certes l’opinion publique, en Russie et ailleurs, s’est mobilisée en leur faveur. Et elles auront droit à des avocats pour assurer leur défense, dut-elle être vite bâillonnée. En France, une telle plaisanterie – car ce n’est finalement rien de plus – leur aurait à peine valu une amende. Mais tout cela se passe en Russie et, comme on le sait, l’actuel maître du Kremlin ne brille pas particulièrement par son sens de l’humour. Toute atteinte à son image est perçu comme une menace directe contre la sûreté de l’Etat – son Etat. Ce qui est encore plus inquiétant, c’est qu’une partie du clergé orthodoxe fasse corps derrière lui et réclame, à l’encontre des trois agitatrices, des poursuites pour blasphème. Autrement dit, contester Poutine reviendrait, pour eux, à insulter Dieu. On mesure là l’aberration d’une telle association  - et peut-être, aussi, son caractère profondément anti-chrétien. Elle ne nous rappelle que trop les vicissitudes de notre propre histoire et la tendance de l’Eglise, tout au long de l’Ancien Régime, à soutenir le pouvoir terrestre, fut-il tyrannique.

Cette affaire, symptomatique d’une liberté d’expression extrêmement mesurée, fait écho à un autre procès, quasi simultané : celui d’Alexeï  Navalni. Le blogueur et avocat russe, l’un des opposants les plus populaires à l’autocratie poutinienne, est inculpé de délit financier et risque jusqu’à dix ans de prison. Habile façon du pouvoir de retourner contre lui les accusations de corruption qu’il a maintes fois portées à son encontre. Pussy Riot et Navalni : deux procès qui nous ramènent aux heures sombres de ce grand pays européen qu’est la Russie. La main de fer du pouvoir a juste enfilé un gant de velours.

 

 

                                      Bruno DA CAPO