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22/10/2019

La police contre les pompiers

                         

 

 

 

  Fer de lance des institutions républicaines, la police française est un corps d’état qui ne cesse, à juste titre, d’être scruté par l’opinion publique. Ses actions reflètent, à la façon d’un baromètre, la température sociale du moment. Elles nous disent l’attitude de l’état vis-à-vis de la société civile et de ses attentes, si le curseur va dans le sens de la concorde ou, au contraire, de la division et de l’affrontement. C’est dire que la police est toujours sur le fil du rasoir et qu’elle fait rarement l’unanimité.

Autant le dire d’entrée de jeu: les lignes qui suivent ne remettent pas en question la nécessité de la police dans un pays comme la France ni ses principales missions (lutte contre la criminalité et le terrorisme, protection des personnes et des biens, etc..). Nous savons tous intuitivement que sans elle, la loi du plus fort se donnerait libre cours sans la moindre vergogne et que la vie sociale ressemblerait à l’état de nature décrit par Hobbes dans son Léviathan, c'est-à-dire la guerre de tous contre tous. Ce qui nous paraît plus problématique, c’est la notion d’ordre public que la police républicaine doit assurer sous la tutelle du pouvoir politique, avec les dérapages que l’on sait. Que deviennent les libertés publiques qu’elle est censée protéger lorsqu’elle réprime violemment des manifestants pacifiques qui veulent simplement faire entendre leurs revendications ou leur désaccord à des gouvernants qu’ils ont tout de même contribué à faire élire?

 La crise des gilets jaunes a mis en lumière la contradiction d’un  pouvoir qui ne peut supprimer le droit de manifester tout en le balisant et en le criminalisant insidieusement. Et, forts de leur droit à exercer une force légale, bien des policiers  en ont fait un usage outrancier contre des citoyens plus courageux que réellement dangereux. Car ce sont, la plupart du temps, les CRS qui sont, les premiers, passés à l’attaque, forçant les opposants à fuir ou à réagir violemment à leur tour, créant ainsi beaucoup de chaos. On ne reviendra pas ici sur leurs brutalités ni sur les nombreuses blessures causées par leurs armes prétendument non létales. Bornons nous à constater que les enquêtes diligentées à leur encontre sont encore en cours d’instruction, contrairement à celles, bouclées en un tournemain, qui touchaient les manifestants.   

Mardi 16 octobre, à Paris mais aussi dans d’autres villes françaises, c’est à des manifestants d’un autre type que les forces dites de l’ordre ont été confrontées : les pompiers. Des hommes sportifs qui ont, tout comme les policiers, la mission d’assurer la sécurité, voire la sauvegarde, de la population ; des hommes dont les adversaires ne sont pas d’autres hommes mais les intempéries et les éléments naturels, à commencer par le feu ; des hommes de différents statuts professionnels mais qui relèvent, pour certains, du Ministère de l’Intérieur – tout comme les policiers. Ces pompiers – sept à dix mille rien qu’à Paris, selon les sources – manifestaient eux aussi pour les mêmes raisons que les autres professions, y compris les policiers lorsqu’ils manifestent : manque d’effectifs, menaces sur leur retraites, relèvement de leur pouvoir d’achat, violences subies. Les charger aussi violemment que l’on charge des militants associatifs ou syndicaux était sans doute plus difficile pour les policiers en charge de ces manifestations. Cela n’a pas empêché des affrontements et des interpellations, preuve que le contexte est plus déterminant que la parenté professionnelle.

Non ce n’est pas demain la veille que l’on verra les policiers au coude à coude  - plutôt qu’au corps à corps – avec des manifestants qui leur ressemblent comme deux gouttes d’eau, unis dans un même désir de justice et de reconnaissance. Et c’est dommage car, pour une fois, ils seraient du bon côté de l’Histoire, le seul dont les peuples se souviennent au bout du compte: celui de la liberté, du progrès social et de l’émancipation collective.

 

Jacques LUCCHESI      

19/04/2018

  Jours de colère

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 Dans une société démocratique, les grèves et autres manifestations sont des moments forts où  le peuple entend s’exprimer sans aucune médiation parlementaire. Il ne transgresse pas la loi, pour autant, mais il la complète, puisque ce droit est inscrit dans notre constitution.  En cette année qui marque le 50eme anniversaire de mai 68, il semble que les conditions soient réunies pour donner à cette commémoration une vigueur particulière, dans la rue encore une fois et pas seulement sur les plateaux de télévision. Car des cheminots aux étudiants en passant par les hôpitaux et les retraités, nombreux sont ceux qui ont une bonne raison de contester la politique réformiste de l’actuel gouvernement. A Marseille, samedi 14 avril, la manifestation soutenue par la France Insoumise et la CGT a pris ainsi un caractère interprofessionnel. En voici quelques photos réalisées sur le vif par notre amie Josiane Franceschi. J L20180414_151339.jpg

                                              

19/11/2012

Bruissements (13)

 

 

Gentillesse : parce qu’elle est consciente de ses faiblesses en matière de vivre-ensemble, la société française tend à multiplier les journées consacrées à une grande cause nationale. Nous ne ferons pas ici l’inventaire de toutes celles qui jalonnent l’année pour en venir directement à celle de mardi 13 novembre, la journée de la gentillesse. Cette vertu – mais en est-ce encore une ? – est entendue, bien sûr, dans son acceptation vulgaire de douceur d’âme ou de bonté. Rien à voir, donc, avec la noblesse de son sens initial. Tiens ! C’est précisément ce jour-là que François Hollande – récent prix de la gentillesse en politique du magazine « Psychologies » - avait choisi pour sa première grande conférence de presse devant quelques 400 journalistes, à l’Elysée. Un exercice délicat, surtout dans le contexte chaotique du moment, qu’il a néanmoins assumé avec un certain brio. Sans surprise, il a éludé les questions qui fâchent (le rapport Gallois, le gaz de schiste, le droit de vote des étrangers) pour réaffirmer sa volonté de relancer la croissance et de faire baisser le chômage. N’en déplaise à ses nombreux détracteurs – Jean-François Copé en tête -, il garde son soutien sans faille à son premier ministre (si malmené dans les sondages). Pas de doute : le socialisme de Hollande rime désormais avec le pragmatisme le plus convenu. A d’autres (courants de la Gauche), la révolution verte ou rouge et la mise au pas du grand capital ; lui, il se reconnaît davantage dans la grande fraternité social-démocrate. Mais à vrai dire, a-t’il le choix ? Apostat mais opiniâtre, malgré tout, ce président. En quoi il montre ouvertement qu’il est moins mou et moins consensuel que tant de caricatures l’ont donné à penser jusqu’à présent. Une façon de retrouver le sens premier de la gentillesse, peut-être ?

 

Ambivalence : recul devant les exigences du patronat, atermoiement et désinvolture vis-à-vis des problèmes écologiques, projet de loi liberticide sur la prostitution. Nous avons tous à présent au moins une raison de rejeter ce gouvernement - dont nous avons pourtant souhaité l’arrivée. Mais nous avons aussi des raisons de l’aimer lorsqu’il entreprend de taxer à 75% les très riches, lorsqu’il s’attaque au cumul des mandats politiques et au scandale des dépassements d’honoraires médicaux ou qu’il fait réquisitionner des logements vacants pour les sans-abris.

 

Paranoïa : Certes, le gouvernement Ayrault peine à mettre en place une politique de gauche. Mais que penser des cris d’orfraie d’un Jean-François Copé contre l’actuel premier ministre ? Selon le prétendant à la direction de l’UMP, si Ayrault n’était pas rapidement « débarqué », c’est le pays tout entier qui serait au bord du gouffre. Et d’en appeler les chefs d’entreprise à descendre dans la rue pour faire entendre leur voix. On croit rêver. En débitant de pareilles sornettes, Copé peaufine, bien sûr, sa stature de leader de l’opposition. Mais son discours ressemble de plus en plus à un délire paranoïaque, complètement coupé de la réalité. Grosses ficelles de politicien qui ne duperont que ceux qui le veulent bien. Mieux vaut en rire.

 

Manifestations : les manifestations se suivent mais ne se ressemblent pas forcément dans ce pays. Ainsi, ce samedi 17 novembre – un pic sans doute en ce registre d’activités. Dans les grandes villes françaises, la mobilisation contre le mariage gay – rebaptisé pudiquement « mariage pour tous » - fut largement suivie et donna même lieu, comme à Toulouse, à des affrontements organisés. A Marseille, nous avons ainsi vu un cortège de plusieurs milliers de personnes descendre la Canebière en brandissant des pancartes où l’on pouvait notamment lire : « Deux papas, maman au débarras ». Certes, la Droite pilote en sous-main ce type de protestations. Et l’on sent davantage, chez tous ces opposants, la crainte de perdre leurs repères juridiques et moraux plutôt que de l’homophobie, à proprement parler. Mais – faut-il le rappeler ? – aucune société n’est immuable et la nôtre, avec ses valeurs qui semblent bien établies, n’est pourtant que le produit d’une succession de changements qui ont tous, en leur temps, entrainé des résistances féroces. A cette France traditionnaliste, la manifestation contre le projet d’aéroport à Notre Dame des Landes, près de Nantes, constituait un contrepied assez parfait. Là, Ils étaient quelques 30 000 – souvent casqués et cagoulés – à brocarder le laxisme gouvernemental face à l’avancée libérale.  Bien entende, la Gauche pure et dure – Jean-Luc Mélenchon et Jean-Vincent Placé en tête –  était aux commandes, offrant une caisse de résonance politique à la légitime inquiétude des riverains. Dans les deux cas, c’est le gouvernement Ayrault qui est sur la sellette, soit qu’on le juge trop audacieux ou, à l’inverse, trop timoré. Quand on vous disait que gouverner, en France, est une tâche impossible….

 

Obama : un autre prétendu « gentil », Barack Obama, donnait, voici deux semaines,  un discours de remerciements à ses jeunes supporters, tous ceux qui par leur travail passionné de militants ont favorisé sa réélection à la maison Blanche. On l’a vu même, à cette occasion, écraser une larme : vous entrerez dans l’Histoire. » Leur a-t-il dit en substance. Etait-il à ce point candide pour oser une telle déclaration ? Ou était-ce, bien plutôt, la preuve de sa duplicité qu’il a faite avec son sens habituel de l’empathie ? Car, nous le savons bien, lui-seul restera dans l’Histoire – d’ailleurs, il y était déjà. Pas le travail dévoué, anonyme, de ses nombreux admirateurs qui se contenteront des miettes de sa gloire. Sans le sang et la sueur de la multitude, pas de pyramide personnelle. Ainsi en va t’il depuis toujours avec les puissants de ce monde, toujours prêts à vous donner ce qu’ils n’ont pas. Une bonne raison pour ne pas faire de la politique au sens partisan du terme.

 

Chine : son nom, pour un Français, est encore plus difficile à prononcer que celui de son prédécesseur. Il faudra pourtant s’y habituer, vu le poids que pèse désormais la Chine dans les échanges mondiaux.  Xi Jinping, 59 ans, vient de succéder à Hui Jintao  à la tête du parti communiste chinois. Il est le premier président à être né après la fondation de la République Populaire de Chine par Mao en 1949. Néanmoins, c’est un homme d’appareil – à l’instar de son père, déjà – qui a su gravir toutes les marches du pouvoir jusqu’à sa nomination à la vice-présidence du Parti en 2008 puis, maintenant, à sa présidence. Dans son discours inaugural, Xi Jinping a particulièrement insisté sur la corruption qui gangrène le pays et dont il entend faire son combat prioritaire. C’est dire que, sous sa présidence, des têtes d’oligarques pourraient bien tomber. Il devra sans doute prendre en compte la montée d’une classe moyenne chinoise – estimée à 700 millions de personnes, actuellement -, ainsi que les revendications ouvrières de plus en plus fréquentes. Pour le reste, aucun grand changement de cap n’est à attendre sous son mandat. Autrement formulé, le Tibet n’est pas encore prêt de redevenir un état indépendant. Vous avez dit « Droits de l’Homme »….

 

 

                                                  Erik PANIZZA