30/08/2019
La révolte des maires
Est-ce un prélude aux prochaines élections municipales ? Toujours est-il que les maires de France sont de plus en plus sous les feux de l’actualité depuis quelques mois. Il y a eu, bien sûr, les menaces et les agressions dont plusieurs d’entre eux ont fait l’objet dans leurs communes respectives. Crise qui a culminé avec la mort – accident ou homicide ? – du maire de Signes (Var), Jean-Mathieu Michel, le 5 août dernier. Dans la foulée l’état a lancé une consultation nationale auprès des élus locaux, afin qu’ils expriment, eux aussi, leurs doléances.
Il ya eu également les décisions – d’ordre éthique – que certains maires ont prises, face à des situations qui ne violaient pas ouvertement les lois mais qui menaçaient directement la santé de ses administrés – et l’on sait que la santé est l’une de leurs premières missions. C’est le cas de Daniel Cueff, maire P C de Langouët (en Bretagne) qui a décidé d’interdire l’épandage de pesticides à moins de 150 mètres des habitations de sa commune. Son arrêté a fait grand bruit puisqu’après avoir été récusé par la préfète d’Ille-et-Vilaine, il l’a amené devant le tribunal administratif. Malgré le soutien d’une majorité de ses concitoyens, ainsi que de plusieurs associations écologistes, le juge a confirmé la suspension du fameux arrêté. C’est la même mésaventure qu’a connu Paulette Deschamp, maire P S du Perray-en-Yvelines qui, pour protéger la santé de ses 7000 administrés, s’est retrouvée en butte au lobby des exploitants agricoles.
Ces attitudes – courageuses – mettent en avant les convictions personnelles du premier magistrat face à un problème de santé publique et méritent d’être saluées. Elles relèvent de ses prérogatives, même si on mesure ici combien elles sont sous contrôle et que, finalement, elles pèsent bien peu face aux puissances de l’argent. Montaigne, alors maire de Bordeaux, en fit l’expérience lorsqu’en 1583, il alerta le roi sur les exemptions scandaleuses d’impôts dont bénéficiaient quelques-unes des plus riches familles bordelaises. En outre, il réclama la gratuité de la justice pour les pauvres. Sa pugnacité paiera puisqu’il finira par obtenir gain de cause l’année suivante.
Mais tous les maires, nous le savons, n’ont pas la fibre frondeuse et beaucoup préfèrent anesthésier leur conscience morale à l’éther des succès électoraux. A ceux-là, on peut rappeler que le citoyen lambda a le droit de contester une décision du conseil municipal s’il estime qu’elle va à l’encontre des intérêts des habitants de la commune, soit qu’il choisisse à cette fin la voie administrative ou la voie référendaire. Reste que, même en ces temps de débats publics et d’appels à la démocratie participative, cette solution de dernier recours a bien peu de chances de trouver un large écho dans le bon peuple français. Et c’est dommage, car un droit s’use d’autant plus vite que l’on ne s’en sert pas.
Jacques Lucchesi
15:44 Publié dans numéro 19 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maires, violences, santé publique, arrêté
09/02/2010
Grèves: les maires aussi
De mémoire de manifestant, on n’avait encore jamais vu ça. Après les ouvriers, les routiers, les cheminots, les traminots, les profs, les juges, les infirmiers, les prostituées, les étudiants, les lycéens et les retraités, c’était au tour des maires de descendre dans la rue, le 28 janvier dernier. Il faut quand même attribuer un pouvoir particulier à Nicolas Sarkozy : celui de faire l’unanimité des protestations contre lui et son gouvernement. Le candidat qui voulait en finir avec « l’esprit de mai 68 », le président qui a cherché à limiter le droit de grève jusqu’à le rendre insensible pour les usagers, aura réussi ce tour de force de faire défiler – toutes tendances politiques confondues - nos édiles courroucés. Et que réclament-ils, ces braves premiers magistrats de nos modestes communes ? Une augmentation de leur traitement ? Quoiqu’ils résident tous dans un hôtel de ville, ils ne sont pas, pour autant, logés à la même enseigne. Beaucoup ne cumulent pas avec un salaire de ministre, de sénateur ou de député. Eh bien non ! Ils ne manifestent pas pour leur portefeuille personnel, ces hussards de la république, mais bien pour leurs administrés (et un peu, aussi, pour leurs prérogatives administratives). Car ils redoutent de voir leurs communes – ces communes pour lesquelles ils ont tellement trimés – avalées par les métropoles dans la nouvelle carte des régions projetée en haut lieu par Balladur et consort. A ce jeu-là, ce sont toujours les gros qui mangent les petits. Et les petits maires – comme, jadis, les « petits blancs » des colonies – n’ont pas envie, c’est naturel, de subir ce sort. Même ceux qui ont contribué à mettre en place l’actuel gouvernement, ou qui en ont bénéficié…
Est-ce que la menace de mettre en grève leurs mairies peut avoir une incidence sur cette perspective d’absorption juridico-administrative qui les inquiète tant ? A titre personnel j’en doute, surtout quand je me réfère à la mairie de Marseille. Si, d’aventure, celle-ci venait à suivre ce mouvement, il y a gros à parier que les Marseillais ne le sentiraient pas passer, vu l’état de non-travail endémique qui règne dans ses services. Mais ceci est une autre histoire.
Noël MONPERE
12:36 Publié dans numero 5 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maires, communes, métropoles, balladur