Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

14/02/2014

Chat alors !

           

 

 

  Vénéré dans l’antique Egypte mais tenu pour un  animal maléfique en Occident, le chat fut souvent l’objet de traitements peu amènes. Le Moyen-Âge le persécuta, à l’instar des sorcières dont il était l’un des symboles. On le mangea avec délice en périodes de famine. Plus de près de nous, c’était le seau d’eau froide qui le menaçait lorsque, les nuits d’été, il miaulait un peu trop  sous nos fenêtres. Et il n’était pas rare, au siècle dernier, que les enfants attachent des casseroles à sa queue, histoire de rigoler un bon coup. Après tout, il faut bien que jeunesse se passe. Et, comme le dit le bon peuple, il n’y avait pas là de quoi fouetter un chat…Autres temps, autres mœurs. Le jeune imbécile qui envoyait le sien contre les murs de son appartement l’aura sans doute compris depuis à ses dépens. Mais aurait-il écopé d’un an de prison (en comparution immédiate) s’il n’avait pas poussé le vice jusqu’à filmer le martyre de l’animal? Je ne le crois pas. Cette affaire, à priori anodine, s’avère être révélatrice des changements qui travaillent notre société. Il y a d’abord cette sympathie de plus en plus débordante pour la cause animale. Tout se passe comme si l’animal – et à fortiori l’animal domestique – était devenu la nouvelle figure de proue de l’innocence, recueillant la ferveur et l’indignation qui allaient jusqu’ici aux enfants. Y toucher prend alors des allures de sacrilège. Cela peut sembler  paradoxal, voire choquant, lorsqu’on sait la quasi indifférence qui entoure bien des affaires impliquant la maltraitance d’enfants, de vieillards ou de handicapés. Et que dire de ceux qui s’inquiètent plus du traitement réservé à un chien qu’à l’enfant auquel il a causé des morsures graves, sinon qu’ils ont perdu manifestement le lien qui les relie à l’humanité ! Dans l’affaire d’Oscar le chat, l’autre leçon qui s’impose est l’importance prise par Internet en tant que vecteur de mobilisation collective. Tout a débuté par une vidéo postée sur Facebook: elle devait mettre le feu aux poudres. Dès le lendemain, c’était l’emballement dans les réseaux sociaux, contre-offensive soutenue par des dizaines de milliers d’internautes,certains appelant au lynchage pur et simple du tortionnaire supposé. Le samedi 1er février, le quotidien la Provence faisait sa une sur cette déplorable histoire, transformant en évènement ce qui, naguère, n’aurait même pas justifié trois lignes dans la rubrique des chats écrasés…Quoi de plus flagrant que la disproportion entre les faits évoqués et leur résonance médiatique ? Comme s’il n’y avait rien de plus urgent, de plus tragique et de plus significatif dans l’actualité du moment. Entendons nous bien : je suis, à titre personnel, sincèrement opposé à la cruauté envers les animaux (qui sont, eux aussi, des êtres sensibles). Mais le simple bon sens m’interdit de cautionner cette passion animaliste qui tend à égaliser la condition humaine et la condition animale. Entre l’humain et l’animal, il y a un abime, une différence ontologique que nul ne devrait jamais oublier, ne fut-ce que par respect envers sa propre espèce. Là où une amende – et peut-être une injonction thérapeutique – aurait suffi, le juge a cru bon infliger une peine de prison ferme à un jeune écervelé dont la principale erreur n’a pas  tant été de brutaliser son chat que de s’en être publiquement vanté. Autrement dit la justice s’est inclinée devant l’opinion qui réclamait contre lui une peine exemplaire. C’est oublier, hélas, que toute peine exemplaire est aussi et d’abord une peine excessive.     

 

 

                       Jacques LUCCHESI