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10/04/2015

Bruissements (48)

 

 

Kenya : Jusqu’où ira-t-on dans l’horreur ? On peut se le demander après l’attentat perpétré par les Shebabs dans l’université kényane de Garissa ? Cette organisation de terroristes somaliens, affiliée à Al Qaïda (et maintenant à Daesh), s’est fait connaître depuis quelques années par des raids meurtriers contre des civils kényans. Il faut dire que ce pays possède quelques 700 kilomètres de frontières avec la Somalie, ce qui les rend difficilement contrôlables. Jeudi 2 avril, au petit matin, un commando de 4 hommes bourrés d’explosifs et armés jusqu’aux dents s’est introduit dans les locaux de cette université, parmi les plus réputées du Kenya. Ils ont commencé par mitrailler tout ce qui bougeait avant d’opérer une sélection parmi leurs victimes, épargnant ceux qui se déclaraient musulmans, exécutant froidement les autres. Le bilan est effroyable : 148 morts dont 142 étudiants. La haine de la pensée et de la liberté qui anime ces fanatiques  n’a d’égale que leur stupidité. Car croire que tuer des non-musulmans pacifiques n’est pas une faute au regard de leur religion en dit long sur leur ignorance profonde et leur déshumanisation. Bien entendu, ces 4 aspirants au martyre ont été abattus guère après par les forces militaires kényanes. Mais le mal, hélas, est passé encore une fois, frappant l’élite de la jeunesse africaine. En écho aux protestations de la communauté internationale sur ce nouvel attentat, le Pape François, lors de ses homélies pascales, s’est indigné contre le sort fait actuellement aux chrétiens d’orient par Daesh et le peu de mobilisation que ces persécutions entrainent en Europe. Sans doute une incitation à une nouvelle croisade. Nous en sommes tous convaincus(ou presque) : le terrorisme islamiste est le cancer du monde actuel et il doit justifier une riposte massive de la part des pays libres. Reste que c’est plus facile à dire qu’à faire. 

 

Cyber-attaque : La guerre moderne s’est complexifiée, à l’amble de nos prodigieux acquis technologiques. Elle ne se déroule plus seulement dans les campagnes et dans les villes, mais aussi sur Internet, par ordinateurs interposés. En témoigne cette cyber-attaque, mercredi 8 avril, contre TV5 Monde, fleuron de la télévision francophone avec 11 chaines diffusées dans le monde.  Plus de programmes entre 22 heures et 1 heure  du matin, mais un écran noir avec le logo de Daesh suivi par des vidéos de propagande pour l’état islamique et des menaces contre la France. Ce piratage, revendiqué par le groupe djihadiste Cyber Caliphate,  a causé des dommages considérables, puisque TV5 Monde ne pouvait, plusieurs heures après, que diffuser un unique programme. Comme quoi, on peut prôner des valeurs parfaitement anachroniques et être, par ailleurs, à la pointe du progrès. Si l’on sait que de nombreux sites officiels français ont été également piratés par les hackers islamistes depuis janvier dernier, on comprendra mieux dans quelle situation de guerre inédite nous sommes entrés. Heureusement que nous pouvons compter, en ce domaine, sur le soutien des Anonymous.   

 

Concert : Il y a toujours un côté un peu risible dans la chanson humanitaire. Cela tient sans doute à la disproportion des causes et des effets ; entre la violence qui assaille le monde et la bonne volonté de tel ou tel chanteur pour lutter contre elle avec les moyens de son art. La dernière initiative en date – celle du groupe « Les Prêtres » en faveur des chrétiens d’orient – n’a pas échappé à la polémique. Ou plutôt celle-ci s’est invitée dans le débat par d’autres voies. Fallait-il mentionner clairement, sur les affiches, que leur concert du 14 juin prochain, à Paris, serait donné en faveur de cette communauté religieuse durement éprouvée ? Oui, évidemment. Sans quoi, leurs fans auraient pu le confondre avec une des dates de leur tournée d’adieux. Mais la RATP, plus sourcilleuse que jamais, a argué que cet ajout constituait une entorse à la neutralité religieuse dans l’espace public. Levée de boucliers immédiate chez les catholiques français qui, en accord avec l’ensemble de la classe politique, ont appelé à l’union sacrée en faveur  des victimes d’une nouvelle barbarie obscurantiste au Moyen-Orient. Du coup, la RATP a fait marche arrière, acceptant d’afficher la mention initialement contestée. Difficile de rester scrupuleusement laïque en une époque où le religieux et l’humanitaire sont si étroitement enlacés.   

 

Lycée : quelle mouche a donc piqué ces 4 élèves de l’Ecole des Pupilles de l’Air - un lycée militaire près de Grenoble -  pour qu’ils se mettent en tête de projeter un attentat contre une mosquée dans la Drome? Toujours est-il qu’ils ont été mis en examen, jeudi 2 avril,  après que la police ait découvert des matériaux explosifs chez l’un d’eux. Depuis, ils ont été relâchés mais ils restent sous contrôle judiciaire et la direction de leur lycée a déclaré ne plus vouloir les réintégrer. On voit ainsi à quelle symétrie fatale peuvent inciter les actes terroristes récemment commis dans notre pays. De quoi donner du grain à moudre à tous ceux qui accusent les Français d’être islamophobes. 

 

Le Pen : la politique, ça conserve. Jean-Marie Le Pen en est un vivant exemple, lui qui, à 87 ans, compte briguer la présidence du Conseil Régional PACA, en décembre prochain. Interrogé par Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV, voici une semaine, l’éternel opposant a maintenu – au grand dam de l’actuelle présidente du FN – que « les chambres à gaz étaient un point de détail dans le deuxième conflit mondial » ; déclaration qui lui avait valu un procès retentissant, il y a une vingtaine d’années. Il a toutefois nuancé son assertion en ajoutant qu’il parlait de la technique (d’élimination) et non pas de la Shoah en elle-même, ne niant pas – mais du bout des lèvres -  son importance dans l’histoire. Quand le journaliste a abordé son rapport à De Gaulle, Le Pen a affirmé, tout de go, « qu’il y avait des gaullistes sincères au FN, tout comme des pétainistes convaincus ». On pourrait ajouter à la liste des antisémites non moins patentés, des islamophobes et des anti-mondialistes. Bref, on aura compris ce qu’est le FN aujourd’hui : un parti fourre-tout, un creuset de toutes les nostalgies et de toutes les déceptions. Tous unis dans une même détestation des institutions actuelles. A bon entendeur…

 

 

                      Erik PANIZZA

02/11/2011

Un salut fraternel à Lise

 

 

 

 


 

Une professeur de maths, Lise Bonnafous, 44 ans, s’immole par le feu au lycée Jean-Moulin de Béziers. C’était le 13 octobre dernier. Ce n’est pas vieux mais comme on était dans les Primaires on a certes parlé de l’affaire mais vite et mal. J’aimerais y revenir, non par morbidité ou complaisance, mais parce qu’un tel drame devrait nous amener à réfléchir sur ce qu’est l’état de notre école - qui fut montrée longtemps comme un modèle – et qui n’est plus, il faut bien l’avouer, que l’ombre de ce qu’elle fut. O âme de Jules Ferry, où es-tu donc passée ? Lise Bonnafous était suivie médicalement, nous dit Luc Chatel, ministre de l’Education nationale. Elle était certes en grande souffrance. On dit qu’elle était trop sévère et exigeante. Pour l’exigence, on veut le croire. Elle prenait son boulot pour une véritable mission ? Ce devrait être le cas de tous les enseignants. En un mot, elle hissait son travail au rang du sacerdoce laïc. On pourrait dire bravo si tout n’avait changé : ce qui était la règle hier est devenu une exception. Lise a pris son boulot trop au sérieux, diront d’aucuns. Non, elle prenait son job à cœur, voulait aller plus loin dans la pédagogie, créer un syndicat. L’inertie générale en a fait une martyre. Son désespoir devait être très grand pour s’asperger d’essence et se faire brûler vive dans la cour de récréation et devant ses élèves. J’ai souvenir que l’étudiant Ian Palach s’était jadis immolé par le feu pour protester contre l’invasion russe en Tchécoslovaquie, et que des moines tibétains s’étaient de même exécutés contre l’armée chinoise. Cela avait alors frappé tous les esprits au point que grands penseurs et intellectuels avaient signé articles et pétitions. Aujourd’hui rien ou presque. Le désarroi de ceux qui sont censés former les têtes de nos gamins n’intéresse plus grand monde ! Voilà pourquoi je voulais saluer Lise Bonnafous. Moi, j’aurais bien voulu avoir une prof comme elle !

 

                                                         Yves CARCHON