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06/05/2016

Retour sur un anniversaire

           

 

 

 Pour le peuple de gauche, mai 36 fût un peu son âge d’or. Pensez donc ! Un rassemblement unitaire de toutes les forces de gauche d’alors, du P C aux radicaux en passant par la SFIO et la CGT, une victoire écrasante aux élections, les ligues d’extrême-droite dissoutes, les droits syndicaux légalement confirmés, les retraites et les salaires augmentés, la semaine de travail abaissée de 48 à 40 heures et deux semaines de congés payés en prime. Du jamais vu dans la longue histoire de la 3eme République ! Et cependant cette euphorie sociale retomba presqu’aussi vite qu’elle était montée : des grèves s’ensuivirent rapidement, la production entra en récession, on dévalua le Franc et les capitaux fuirent massivement le pays. C’est que la promotion des classes populaires ne faisait pas l’affaire de tout le monde en France ; à commencer par les grands patrons qui voyaient avec inquiétude le spectre des nationalisations s’étendre sur leurs entreprises. Rien de nouveau sous le soleil et les lendemains déchantèrent vite. L’expérience du Front populaire prit fin moins d’un an après, marquant le retour au pragmatisme économique. En juin 37, Léon Blum démissionna, cédant son poste de président du conseil  à Camille Chautemps – un modéré – qui, lui-même, le refila pour quelques semaines à Blum, début 38, avant qu’Edouard  Daladier, plus rigoriste, n’en endossât les attributs pour trois années particulièrement tendues, vu le contexte international puis l’entrée en guerre de la France contre l’Allemagne nazie. Si le slogan du Front Populaire « Le pain, la paix, la liberté » devait filer aux oubliettes de l’Histoire, les principaux acquis sociaux votés lors des Accords de Matignon, en juin 36, ne devaient pas, après la guerre, être remis en question, ouvrant la voie à d’autres négociations, d’autres droits pour les travailleurs et les défavorisés. C’est ce qu’on appela longtemps le réformisme socialiste, du moins jusqu’à ces récentes années.

L’Histoire, on le sait bien, ne repasse pas les mêmes plats. Néanmoins, à quatre-vingts ans d’écart, on peut constater quelques similitudes avec notre époque. Comment ne pas s’interroger sur l’échec des socialistes chaque fois qu’ils accèdent au pouvoir ? Leurs prétentions politiques sont-elles si exorbitantes pour se briser aussi vite sur le réel ? D’autre part, tout comme en 36, la protestation populaire, aujourd’hui, est devenue particulièrement audible. Même pour François Hollande qui, en admirateur de Léon Blum, est allé conclure un colloque qu’organisait, mardi dernier, la Fondation Jean Jaurès et le think-tank Terra Nova au théâtre du Rond-Point. D’aucuns ont même dit que c’était son discours d’entrée en campagne qu’il faisait là. Reste qu’on ne sait plus très bien à quel électorat il va s’adresser maintenant. Parti, la fleur aux dents, avec Blum pour modèle (mais sans l’élégance morale de son aîné), François Hollande risque fort de finir son quinquennat dans la posture peu glorieuse de Daladier.

 

                       Jacques LUCCHESI