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11/01/2017

           Un drôle de paroissien

             

 

 

François Fillon a-t-il pensé que sa victoire aux primaires de la droite était un chèque en blanc pour le fauteuil présidentiel ? A chacun ses illusions. Tout comme le lièvre de la fable bien connue, il est peut-être parti trop vite et les sondages, en ce début d’année, viennent lui rappeler qu’une majorité de Français n’est pas prête à gober ses arguties catastrophistes. Je sais : il ne faut pas trop s’inquiéter des sondages, mais il vaut quand même mieux qu’ils ne vous soient pas trop défavorables.

Car le chemin de l’Elysée est jusqu’au bout semé d’embûches. Il faut, en particulier, savoir composer avec d’autres sensibilités que sa famille politique -  rassembler en un mot -  et à ce jeu-là Fillon, orgueilleusement accroché à son programme, sûr de son bon droit et de sa vérité, n’est pas le plus habile. Il est autrement plus doué pour la division et l’éloignement des centristes, pour qui ses réformes semblent trop abruptes, est un symptôme, sinon un signe révélateur. Tant à l’UDI qu’au Modem, on lui prefèrerait l’impétueux Macron, fut-il moins expérimenté que lui. Ceux-là, en outre, n’apprécient guère que Fillon mette en avant ses convictions religieuses à la moindre occasion. Voilà qui n’est pas très républicain, même si d’autres – à commencer par Nicolas Sarkozy – l’ont fait avant lui. N’y aurait-il pas là une stratégie électoraliste, un appel tacite à la France profonde et à un électorat âgé (qui, pourtant, n’a pas grand-chose à espérer de lui) ? Passe encore quand c’est Marine Le Pen qui l’exprime : elle défend son pré carré. Mais François Bayrou ? Mais Henri Guaino ?

Alors Fillon, déçu sans doute que l’on ne croit pas à sa sincérité, se défend, jure la main sur le cœur « qu’en tant que chrétien et gaulliste, jamais il ne prendra une décision qui soit contraire à la dignité humaine ».Que n’a-t-il choisi la prêtrise plutôt que la politique ! Il va même visiter une annexe des Pèlerins d’Emmaüs et fait mine de s’affliger qu’il y ait en France neuf millions de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Comme s’il pouvait faire quelque chose pour eux ! Comme si ses conceptions politiques ne les saigneraient pas davantage s’il venait – cas encore très hypothétique – à les mettre en œuvre ! S’il y a, dans cette campagne présidentielle, un projet qui exclut radicalement les vertus chrétiennes de partage et de charité – ou de son avatar laïque, la solidarité - , c’est bien le sien. On ne peut pas être à la fois l’abbé Pierre et Margaret Thatcher.

 

                 Jacques LUCCHESI