02/09/2016
Macron prend le large
Fin août 2014, lors de sa passation de pouvoir au ministère de l’économie, Arnaud Montebourg avait dit en substance à Emmanuel Macron qu’il fallait toujours être fidèle à ses convictions, quoi qu’elles coûtent. La leçon a été entendue puisque, à peine deux ans plus tard, son jeune successeur a pris les devants et démissionné de ses fonctions pour mener en solo son aventure politique. Son départ n’est d’ailleurs pas une surprise : il était « dans l’air » depuis plusieurs semaines, suite aux propos peu consensuels qu’il avait tenus en juillet sur la politique gouvernementale.
Mercredi matin, en présence de Michel Sapin (qui a hérité de son ministère), Macron a commenté son départ sur le mode de la métaphore filée, comparant Bercy à une île paisible qu’il lui fallait pourtant quitter. Néanmoins, malgré des ambitions incontestables, on ne sait pas très bien où va aller ce nouvel Ulysse. La mer sur laquelle il s’engage risque fort d’être agitée et son embarcation bien frêle.
Car si Emmanuel Macron s’est constitué, avec son mouvement « En marche », un petit réseau de personnalités politiques, artistiques et patronales, cela reste bien insuffisant pour figurer dans la prochaine élection présidentielle. Qu’importe ! A même pas quarante ans, il a le temps pour lui mais c’est aussi un handicap pour la fonction suprême qu’il convoite. Car si l’âge des locataires de l’Elysée s’est sensiblement abaissé depuis deux élections, il n’en reste pas moins que les Français, dans leur ensemble, ne sont pas chauds pour porter à la tête de leur pays un homme qui n’a pas assez d’expérience. Quant à son principal argument, ni à gauche ni à droite, on sait qu’il est de peu de poids. Les alternatives - ou les synthèses – au système bipartite qui est le nôtre sont toujours aléatoires et n’ont jamais, jusqu’à présent, réussi à convaincre une majorité d’électeurs. C’est dire que les obstacles et les échecs ne manqueront pas sur la voie royale qu’il a choisie.
François Hollande et Manuel Valls ont publiquement déploré son départ. Car Macron était, sans doute à tort, leur ministre le plus populaire et les voix qu’il raflera, au printemps prochain, manqueront forcément au principal candidat du PS. Par une ironie dont la politique est coutumière, François Hollande pourrait bien avoir comme adversaires ses deux anciens ministres de l’économie - aussi différents soient-ils. Lui qui n’est pas pour peu de chose dans leur ascension médiatique.
Jacques LUCCHESI
15:42 Publié dans numéro 16 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : macron, bercy, île, départ