19/12/2011
Tombeau pour deux soldats perdus
Les hasards du calendrier nécrologique ne manquent pas d’ironie. Trois personnalités ces derniers jours sont passées de vie à trépas : Cesaria Evora, Vaclav Havel et Kim Jong-Il. Pour Havel et Jong-Il, on peut dire à bon droit que même la mort ne saurait les unir. L’un a lutté pour vaincre l’oppression dans son pays, la Tchécoslovaquie d’alors ; l’autre a sous sa férule folle imposé une dictature de fer dans la Corée du Nord. L’un, avant d’être élu démocratiquement président, a écrit pour le théâtre universel, quand l’autre, analphabète, terrorisait son peuple. L’un dans sa lutte pour rendre aux Tchèques leur liberté a passé plus de cinq années en prison, quand l’autre jetait ses concitoyens en prison avant de les exécuter. Inconciliable dialogue entre ces deux. Il semblerait qu’à leur manière chacun incarne ce qu’il y a de pire et de meilleur en l’être humain. Egalité en somme, pourrait-on dire cyniquement. Mais il y a Evora ! L’artiste qui donne à voir et à entendre un autre monde. Cesaria ! Elle seule a le pouvoir de faire pencher le fatidique fléau de la balance ! Voix d’un peuple, d’un pays, le Cap Vert, qui sut – et sait encore – instiller ses refrains tristes, mélancoliques et beaux dans ce qui reste encore en nous de cœur, cette générosité naïve et fraternelle sans quoi nous ne sommes rien, que des Kim Jong-Il à la dérive, autrement dit de pauvres types voués au meurtre et à la barbarie. Cesaria Evora, la chanteuse aux pieds nus, qui elle saura accompagner Havel, l’homme qui lutta de front et à mains nues contre le totalitarisme soviétique.
Yves CARCHON
16:50 Publié dans Numéro 8 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : havel, evoria, corée, cap-vert