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19/02/2020

Homéopathie : le rapport de la discorde

          

 

 La querelle, déjà ancienne, entre partisans et contempteurs de l’homéopathie, a été relancée en mars 2018, par une tribune (parue dans le Figaro) signée par 124 médecins. Adversaires résolus des médecines alternatives, ils en demandaient le complet déremboursement. L’affaire est remontée jusqu’au gouvernement qui a demandé, guère après, la saisie d’une commission de la Haute Autorité de Santé. Après avoir épluché plus de mille études sur le sujet, celle-ci a rendu, le 28 juin dernier, un avis sans équivoque sur le caractère inefficace des traitements homéopathiques. Du coup, la ministre de la santé Agnès Buzyn - qui avait déclaré qu’elle suivrait les recommandations de la HAS -  a, dans la foulée, pris la décision de les dérembourser progressivement. Couverts jusque là à hauteur de 30% par la Sécurité Sociale, ils passent à 15% cette année avant d’être totalement déremboursés à partir du 1er janvier 2021. Bénéfice estimé pour la Sécurité Sociale : 126, 8 millions d’euros. Ce qui n’est vraiment pas grand-chose, puisqu’en France  le montant total des médicaments remboursés tourne autour de vingt milliards d’euros annuels.

Cette décision, censément rationnelle, a de quoi mécontenter les sept millions de Français utilisateurs convaincus de l’homéopathie dans la lutte contre la plupart des affections saisonnières. Pour eux son efficacité est bien réelle ; elle ne relève pas du simple effet placebo comme le prétendent ses détracteurs. Elle a surtout de quoi alarmer les trois laboratoires (deux français, un suisse) qui se partagent ce marché. Déjà, ils envisagent une compression de personnel pour faire face, tant à une hausse de leurs prix de vente qu’à une diminution conséquente de la demande.

Ainsi Boiron, le plus important d’entre eux qui emploie quelques 2500 salariés, a pris les devants en demandant une audition au président de la république. Si cette mesure n’était pas abandonnée, ce serait un millier d’employés qui pourraient bien se retrouver au chômage selon la direction du laboratoire. Soutenu par de nombreux élus de la région Rhône-Alpes, l’argument semble imparable dans le contexte économique actuel; néanmoins il ne préoccupe guère la ministre de la santé. Pour elle, seule compte, dans cette affaire, la vérité scientifique et l’efficacité clinique. D’où un dialogue de sourds en perspective. Du reste, on peut se demander si madame Buzyn est aussi impartiale qu’elle devrait l’être de par ses fonctions. Il est de notoriété publique  qu’elle a été longtemps rémunérée par plusieurs grands laboratoires pharmaceutiques. Cela crée forcément des accointances, sinon des intérêts personnels, sur la durée.

Dans ce conflit dont l’issue est connue d’avance, il y a cependant d’autres intérêts, que ceux strictement économiques, qui sont en jeu. Car en restreignant l’offre médicale sur le marché, en rendant moins attractives des médications alternatives (comme l’homéopathie), on ne fait pas que concourir au bénéfice des grands groupes pharmaceutiques, on diminue aussi la liberté de choix des Français. En leur faisant habilement comprendre où se trouve leur intérêt financier, et sans interdire quoique ce soit, on instaure un modèle exclusif de soins d’où l’usager ne risque plus de sortir. C’est une vision partisane (et contraignante) de la médecine dans la société moderne qui est ainsi validée par nos gouvernants. Alors que leur action, dans une saine démocratie, devrait au contraire favoriser la diversité des propositions et s’opposer à toute forme de monopole.

 

Jacques LUCCHESI