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10/12/2012

Faux héros

 

                 

 

 

 

 Le 14 octobre dernier, l’Autrichien Félix Baumgartner réalisait un saut en parachute de 39 000 mètres – dont 36 000 en chute libre -, devenant ainsi le premier homme à avoir franchi le mur du son. Plus récemment, le 2 novembre, le Français Pierre-Michael Micaletti a pédalé sur un vélo d’entrainement 48 heures sans dormir. L’un et l’autre ont, bien sûr, leur place désormais dans le célébrissime Guinness Book », le livre des records.

Ces  records-là – on pourrait en citer bien d’autres – trahissent néanmoins un certain malaise. Ils sont caractéristiques d’une époque qui s’ennuie dans son confort matériel. Depuis près de soixante-dix ans, il n’y a plus de grande guerre sur notre continent - et qui pourrait le regretter ? Mais il n’y a plus ainsi, pour de nombreux jeunes gens, des occasions réelles de mettre à l’épreuve leur courage et leur force. Alors, certains s’inventent des défis qui visent tous à repousser les limites de l’humain et s’activent à le faire savoir. Leurs motivations sont prétendument scientifiques, mais elles cachent mal le désir de porter leur nom  au pinacle. Car ces défis sensationnels, quoiqu’on en dise, ne servent pas la cause de la science – sinon celle, pataphysicienne, des exceptions. La vie, en effet, ne pousse personne à de pareilles extrémités. Elle n’exige pas de telles performances, de telles hauteurs  pour se développer et se perpétuer. Non, ces défis n’apportent rien à l’humanité (à laquelle appartiennent malgré tout ces « surhommes »), sinon qu’un peu de rêve médiatique. Bref, ils ne font ni progresser la science ni reculer la misère et, en cela, ils ne relèvent pas de l’héroïsme mais bien d’une forme de pathologie mentale. Car l’héroïsme, qui est oubli de soi dans une action périlleuse, s’accomplit toujours au bénéfice des autres. De surcroît l’héroïsme, réaction circonstancielle dans une situation de péril ou d’urgence,  n’est heureusement pas programmable. On devient un héros presque malgré soi. De vrais héros, il y en a en encore dans notre monde, en Egypte, en Syrie, en Iran ou en Palestine ; des hommes et des femmes qui agissent anonymement pour leur peuple, mettant chaque jour ou presque leur existence en péril. Mais il y a bien peu de chances  que leurs noms et leurs visages fassent un jour la une des médias. Dont la perversion est sans doute d’accorder tant d’importance à quelques égos hypertrophiés, quand ils ne mériteraient que l’indifférence générale.

 

 

                        Jacques LUCCHESI