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29/07/2016

Une aventure qui élève l’humanité

  

 

 

 Depuis quelques années les occasions de se réjouir, en allumant sa télévision ou sa radio, sont devenues extrêmement rares. Certains jours, devant ces déchainements de haine, de bêtise et d’intolérance un peu partout sur la planète, on aurait presque honte d’appartenir à l’humanité. Voilà une espèce qui, après tant d’inventions, de découvertes et de créations prodigieuses, s’entretue pour ce qui apparaitra à ses lointains descendants comme de parfaites vétilles. Ce serait oublier un peu vite que des esprits généreux et éclairés continuent de travailler à l’amélioration de sa condition. Parmi les personnalités actuelles qui redonnent un peu de foi dans le génie humain, il y a certainement le suisse Bertrand Piccard.

Ce psychiatre et aérostier, partisan des énergies renouvelables, a mis au point dès 2004 un prototype d’avion n’utilisant, pour se propulser, que l’énergie solaire. Il lui faudra cependant patienter encore cinq ans avant de réaliser la première version de Solar Impulse. Oui, un avion – et pas un planeur – peut voler sans kérosène, ce que son concepteur prouvera, deux ans plus tard, en traversant la Méditerranée. Un palier capital a été ainsi atteint ; mais Bertrand Piccard, tout à son rêve icarien, voit plus grand : pourquoi ne pas tenter un tour du monde à présent ? Pour cela, il met en chantier Solar Impulse 2, début 2014, et effectue avec un premier vol prometteur quelques mois plus tard.

Le 9 mars 2015, avec son co-pilote André Borschberg, Piccard s’embarque à bord de son invention pour cette épreuve légendaire. C’est d’Abou Dhabi, dans les Emirats Arabes Unis, que le vaste et silencieux engin décolle. Aussi large qu’un Boeing 747 mais ne pesant que 2300 kilos, Solar Impulse 2 est équipé, sur toute sa surface, de capteurs solaires qui assurent sa propulsion. Pendant plus de quatre mois,  il va ainsi voler jour et nuit à une moyenne de 80 kms/h et à une hauteur de 8500 mètres. A bord, dans une cabine non pressurisée de quelques mètres carrés, les deux hommes vont s’efforcer de garder en permanence leur vigilance et leurs capacités corporelles, faisant du yoga, ne dormant que par tranches de vingt minutes. Mis à part le système de pilotage automatique, aucun appareil de navigation ne manque au tableau de bord ; et leurs combinaisons en fibres de nylon les aident à réguler leur température interne.

Programmé sur cinq  mois fragmentés en dix-sept étapes, ce vol expérimental va cependant connaître des interruptions et des retards. En juillet 2015, une panne de batteries l’immobilise pendant huit mois à Hawaï. Le 21 avril 2016, Solar Impulse 2 redécolle d’Honolulu pour rallier la Californie en survolant le Pacifique sur 4707 kilomètres. L’étape sera bouclée en trois jours. Une autre épreuve considérable sera la traversée de l’Atlantique, de New-York à Séville – soit 6765 kilomètres -, le 20 juin 2016. Enfin ce sera le Caire puis le retour triomphal à Abou Dhabi, le 26 juillet dernier, au terme d’un ultime vol de 2694 kilomètres.

Bertrand Piccard peut jubiler : il a gagné son pari et prouvé, en payant de sa personne, que l’industrie aéronautique peut passer aux énergies propres, tout au moins sur de petites distances. Il y aura, bien sûr, des améliorations à apporter à son prototype pour le rendre tout à fait sûr. Mais si le lobby de l’aviation ne fait pas obstruction, des vols commerciaux seraient possibles d’ici dix ans. Voilà une aventure scientifique qui démontre que l’humanité n’a pas dit son dernier mot en matière d’innovation et de progrès. Et puis, avouons-le, cette nouvelle nous élève un peu au dessus de notre merdier quotidien, ce qui est un autre de ses bénéfices. Bertrand Piccard et André Borschberg : deux noms à ne pas oublier.

 

 

                          Jacques LUCCHESI