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08/08/2014

Nabilla ou l’art du rien

                       

 

 

 Rappelez-vous : c’était au printemps 2001. La téléréalité venait, avec « Loft Story », d’arriver dans nos tubes cathodiques. Les teenagers français se passionnaient pour les amours de Loana et de Jean-Edouard. En attendant  impatiemment les sélections de la saison suivante qui les feraient peut-être entrer à leur tour dans le saint des saints… On parlait de cobayes humains, mais l’œil clignotant n’en devint pas moins  le logo de la décennie. Comme bien d’autres après elle, Loana n’était néanmoins qu’une candidate que ses compétences multiples (sens du décolleté profond, aptitude au farniente en bord de piscine, art du sèche-cheveux et du peigne-brosse) avaient envoyée en finale, au terme d’un parcours jalonné d’épreuves vicelardes. Car « Loft story » n’était pas une sinécure et on y cultivait autant la vacherie que la larme à l’œil. Douze ans depuis se sont écoulés et le système n’a fait, bien sûr, que se perfectionner. Son dernier avatar en date, celle qui laisse loin derrière toutes ces aspirantes  plus ou moins pathétiques au quart d’heure de célébrité, c’est sans conteste Nabilla Benattia. Cette Algéro-Suissesse de 22 ans a fait ses classes, elle aussi, dans des émissions aussi instructives que « L’amour est aveugle » ou « Les anges de la téléréalité ». Son joli minois et sa poitrine précocement siliconée lui ont valu, en 2012, de faire la couverture de New Look. Depuis, la bimbo n’a cessé d’entretenir le buzz autour d’elle, allant jusqu’à faire privatiser son exclamation d’un jour « Allo, non mais allo, quoi ! », partout reprise ou parodiée. Consécration suprême : la chaine NRJ, en cet automne2013, lui a offert, avec « Allo Nabilla, ma famille en Californie », une série pour elle seule, le mardi soir en prime-time. Flanquée de sa mère, de sa grand-mère, de son frère et de son fiancé du moment, on y voit une Nabilla se promener entre Los Angeles et Hollywood en quête d’invitations et de passages sur les télés américaines. Son modèle et sa rivale, c’est la pulpeuse Kim Kardashian – une brune comme elle -, « star » de « L’incroyable famille Kardashian », autre feuilleton familial qui cartonne aux USA. C’est d’ailleurs pour ça que Nabilla, en conquérante de l’inutile, vient chasser sur ses terres. En voilà au moins une qui croit encore à l’Amérique. Ce qui est incroyable, chez Nabilla, c’est sa fatuité et son culot. Elle a, comme très peu, élevé le narcissisme au rang des beaux arts.  A défaut de forcer le respect, une telle détermination à faire parler de soi dénote sans doute une forme d’intelligence, mais une intelligence de l’insignifiance. Car, enfin, qu’est-ce que Nabilla a à dire à notre monde ? Rien. Son message, c’est son image. Son ambition, c’est d’être Nabilla à l’échelon planétaire, voire interplanétaire (car son vide est aussi sidéral). Et le pire, c’est qu’elle va certainement faire des émules. Triste époque.

 

                              Jacques LUCCHESI

01/08/2014

Retour sur les Fralib

                     

 

  Les Fralib, c’est d’abord l’histoire d’une énergie collective, d’une résistance ouvrière, orchestrée par les syndicats, face aux froids calculs d’une multinationale – Unilever – soucieuse d’engranger un maximum de bénéfices, quitte à sacrifier un site pourtant rentable. Ce conflit, qui a débuté en septembre 2010, a été largement médiatisé. Ainsi, Arnaud Montebourg, tout juste nommé ministre du redressement productif, était venu à Gémenos pour clamer aux ouvriers en grève un franc et sympathique : « Je ne vous oublie pas. ». Mais qu’a-t-il fait depuis ? Pas grand-chose, on le sait bien. Et son autorité ministérielle n’est pour rien dans l’accord qui a été signé, fin mai, entre la direction d’Unilever et les représentants syndicaux des Fralib. Après trois plans de sauvegarde de l’emploi et des astreintes journalières sans cesse reconduites, le groupe anglo-néerlandais a fini par céder aux exigences ouvrières. Cet accord, qui leur a octroyé une enveloppe globale de 19, 2 millions d’euros a ainsi mis fin à quatre années de lutte. Au final, l’occupation de l’usine de Gémenos aura duré 1336 jours. Durant toutes ces journées, des équipes d’ouvriers se sont relayées jour et nuit, hiver comme été, pour empêcher le démantèlement de leur usine (fermée depuis septembre 2012) et les expulsions musclées. Parallèlement, le combat se menait aussi devant les tribunaux, notamment pour l’annulation des plans patronaux de sauvegarde de l’emploi qui n’auraient abouti qu’au versement d’une prime congrue. Au lieu de quoi, les 76 employés les plus tenaces toucheront, chacun, 100 000 euros (en plus des indemnités de départ). Et 60 d’entre eux vont tenter à présent l’aventure de la SCOP, puisque 7 millions ont été affectés au rachat des machines. Ce statut juridique est sans doute, à l’heure actuelle, le plus égalitaire, chacun y étant à la fois actionnaire et salarié. Il permet de mieux répartir les bénéfices et s’il n’exclut pas un administrateur, il prévoit aussi son renouvellement tous les trois ans avec un salaire qui n’a rien à voir avec celui des PDG de SA. Bénéficiant d’une  fiscalité allégée, la formule  tente de plus en plus d’entrepreneurs en France, même si, en ce domaine, elle se situe loin derrière d’autres pays européens, comme l’Italie. Pour en revenir à nos ex-Fralib, leur coopérative – baptisée Scop-ti – a pris contact avec un groupe anglais pour sous-traiter sa production. Mais elle ne pourra plus exploiter la fameuse marque Eléphant (pourtant née en Provence en 1896) qui reste la propriété d’Unilever. Le combat continue et il n’est pas gagné d’avance. Mais leur exemple continue d’inspirer d’autres travailleurs en lutte  dans la région: comme, par exemple, ceux des Grands Moulin Maurel. Les Fralib ou comment une défaite est devenue un succès.

 

 

                     James LIPTON