16/01/2012
Bruissements (3)
Fini-parti : les touristes, français ou étrangers, qui découvrent Marseille ont, assez unanimement, l’impression d’une ville sale. Ce jugement sévère s’applique surtout au centre-ville – et Marseille ne se limite pas, loin de là, au Vieux Port. Reconnaissons quand même que la Canebière, à la fin de la journée, n’est pas une artère très reluisante. Cet état de choses dépend, bien sûr, du comportement incivique de beaucoup de Marseillais mais aussi, en partie, du peu d’entrain des services de voirie. Faut-il y voir un lien de cause à effet ? Quoiqu’il en soit le « fini-parti » – qui permet aux éboueurs de boucler une tournée en deux fois moins de temps que prévu – fait partie de puis longtemps de leurs habitudes. Ce je-m’en-foutisme (attitude très partagée ici), Benoit Candon, un jeune avocat marseillais a entrepris de le dénoncer. Pour cela, il est allé, début janvier, faire entendre sa voix au tribunal administratif, ce qui est une façon comme une autre de bien commencer l’année. Mais il n’est pas si facile d’engager un bras de fer avec ce lobby, l’un des plus puissants de la communauté urbaine (MPM). D’autant que cette corporation est prompte à user de son droit de grève en cas de désaccord. Et chacun a, à l’esprit, le souvenir des rues transformées, des semaines durant, en décharges à ciel ouvert – comme au début de l’été 2003. Face aux partisans d’une ville impeccable, l’avocat de la MPM et les représentants de FO – syndicat majoritaire chez les éboueurs - rappelaient que le problème était d’abord d’ordre interne et qu’il ne fallait pas le généraliser. Au terme d’une séance très suivie, jeudi 5 janvier, le juge n’a pas tranché, mettant l’affaire en délibéré. Quelle que soit sa décision finale, il y a hélas peu de chances que les choses changent ici de manière significative.
Sale mec : chaque campagne présidentielle génère, d’un côté comme de l’autre, ces petites phrases assassines qui sont du pain bénit pour les médias. En ce domaine, gageons que celle-ci risque fort de surpasser les précédentes en ignominies. C’est ainsi que la garde rapprochée de Sarkozy est tombée à bras raccourcis sur François Hollande après que celui-ci ait fait dire à l’actuel chef de l’Etat qu’il était « un sale mec ». Evidemment, il y a une nuance entre injurier ouvertement son adversaire politique et lui faire dire ce qu’on pense de lui dans une diatribe de son cru. Mais le sens de la nuance n’étant pas le fort des chiens de garde élyséens, ils n’ont retenu que la locution injurieuse exhibée hors de son contexte linguistique. Ce n’est certes pas très respectueux mais ce n’est pas non plus très juste sous l’angle de la langue française. Comme le faisait récemment remarquer François Rollin, dans l’une de ses chroniques sur France-Culture, c’est « sale type » qu’Hollande aurait dû employer dans sa démonstration pour être dans les normes du goût. Du reste, il y a très peu de chances que Sarkozy pense un jour de lui-même ce qu’Hollande pense de lui.
Jeanne d’Arc : on sait depuis longtemps l’intérêt que portent Jean-Marie Le Pen et le Front National à la figure – controversée - de Jeanne d’Arc. Au point de substituer le culte de la sainte guerrière au traditionnel défilé du 1er mai – rappel, laïque celui-là, que le travail a conquis en France une progressive dignité dans le sang. L’inoubliable Pucelle d’Orléans compte désormais un nouveau zélateur en la personne de Nicolas Sarkozy. Le 6 janvier, avec quelques-uns de ses fidèles ministres (Nadine Morano, Gérard Longuet, Frédéric Mitterrand), notre cher président a fait le déplacement à Domrémy (Vosges), pour commémorer le 600 eme anniversaire de la naissance de la sainte. Un message aux électeurs indécis du Front National ? Où l’on voit que le président d’une république laïque n’est pas le dernier à « récupérer » une figure religieuse haute en couleurs (à l’instar d’autres dirigeants dans le monde musulman). Il est vrai qu’avec une telle fin de quinquennat, il faudrait une intervention surnaturelle pour qu’il soit réélu.
Jarnac : pendant ce temps, c’est de l’autre côté de la France, à Jarnac (Charente), que François Hollande et ses lieutenants allaient se recueillir, le 8 janvier, sur la tombe de François Mitterrand, pour le 16eme anniversaire de sa disparition. Une façon de communier avec ce « grand ancêtre » qui disait croire « aux forces de l’Esprit », seul président socialiste à ce jour de la 5eme République. « François, François, si tu m’entends, je t’en conjure, aide-moi à bouter Sarkozy hors de l’Elysée. ». Hollande ne manque d’ailleurs pas de ce lyrisme propre à l’ancien président. Sa récente « Lettre aux Français », publiée dans « Libération », le prouve à maints paragraphes. Mais de beaux mots comme la « vérité », la « volonté », la « justice » ou « l’espérance » ne peuvent, à eux seuls, constituer un programme politique fédérateur. Stratégie du secret ou déficit de pensée économique : souhaitons que la première hypothèse soit la bonne.
Taxes : s’il y a un mot particulièrement récurrent dans les différents argumentaires du gouvernement depuis 2007, c’est bien le mot « taxe ». La dernière en date, la TVA sociale, est particulièrement impopulaire car elle consiste ni plus ni moins qu’à relever le prix des produits de consommation courante pour financer la protection sociale. Et si, malgré tout, les entreprises (aux charges dûment allégées) ne créaient pas d’emplois supplémentaires, qu’en serait-il de la croissance espérée ? Et si les Français continuaient à moins consommer, qu’en serait-il de leur système de santé ? On ne peut pas tout faire reposer sur le marché et cette mesure s’achemine vers une impasse. Une autre impasse, encore plus évidente, est la resucée de la fameuse taxe Tobin sur les transactions financières. Si, à Bercy, on compte ainsi compenser la TVA sociale et son flot de mécontentement, c’est raté. En soi la proposition de James Tobin est judicieuse autant que généreuse. Encore faudrait-il que la France ne soit pas seule dans le monde à l’appliquer. Car, autrement, c’est la bourse de Paris qui risquerait de s’en ressentir dangereusement. Ceci dit, ce projet de taxe boursière pourrait bien être la dernière mesure « de gauche » détournée par la droite.
Affaires : signe d’un pouvoir qui s’essouffle, les « affaires » remontent à la surface en cette fin de quinquennat. On ne peut pas toujours bâillonner les juges lorsqu’ils enquêtent sur les dessous de table de l’Etat. Après Karachi et le financement occulte de la campagne de Balladur en 1995, Nicolas Sarkozy est, une nouvelle fois, sur la sellette, mais pour sa propre campagne en 2007. Selon des sources peu contestables (la comptable et l’infirmière de « mamie » Bettencourt), ce sont 150 000 euros – en espèces – qui auraient été alors remis au dévoué Eric Woerth pour aider son champion dans la course au pouvoir. C’est peut-être de bonne guerre mais ce n’est pas très moral. Allez, après ça, faire la leçon aux supposés fraudeurs de la Sécurité Sociale. Du reste, on peut se demander sur qui va s’appuyer le président sortant pour sa prochaine campagne, maintenant que sa bienfaitrice est sous tutelle.
Erik PANIZZA
19:05 | Lien permanent | Commentaires (0)
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