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22/03/2006

Caricatures de Mahomet : un choc des cultures ?

L’affaire des caricatures de Mahomet et la vague de protestations qu’elle a soulevée dans les pays musulmans obligent forcément le monde occidental à se re-poser la question de la liberté d’expression, surtout quand elle touche au domaine religieux . Celle-ci est inscrite au fronton de nos sociétés laïcisées ; mais des principes à leur mise en œuvre, il y a un clivage de plus en plus prononcé. Par crainte de nouveaux déchaînements, bien des créateurs risquent de s’interdire d’exprimer certaines idées ou images en rapport avec l’Islam. Et s’ils passent outre, ils seront rappelés à l’ordre – c’est à dire censurés – par ceux ( éditeurs ou organisateurs d’expositions) qui devraient pourtant les servir, comme ce fut le cas récemment à Berlin, avec une oeuvre du sculpteur Gregor Schneider. Où se situe à présent la frontière entre la plaisanterie et le blasphème ? Dans les pays musulmans, il tombe toujours sous le coup de la loi et il est même durement réprimé. Mais en France, en Allemagne, en Espagne, au Danemark ? Doit-on le réintroduire frileusement dans nos textes juridiques, comme ce fut le cas jusqu’au XVIIIeme siècle, quand l’église catholique était encore une instance de pouvoir ? Dans ce cas, que resterait-il de nos valeurs républicaines ? Ou va-t’on clairement réaffirmer nos spécificités législatives, morales et historiques pour prévenir toute assimilation abusive entre la société civile et l’Etat ? L’enjeu, comme on le voit, est de première importance.
Il n’empêche que le modèle de laïcité à la française - qui met l’accent sur l’intégration et l’acceptation tempérée des différents cultes – fonctionne de moins en moins bien. Dans le contexte actuel, les communautés ethniques et religieuses tendent à revendiquer un statut spécial à l’intérieur du cadre républicain commun. De toutes les religions établies en France, l’Islam est, à l’évidence, la plus sensible et ce n’est pas, bien sûr, qu’une affaire religieuse. En soi, l’Islam n’est pas menaçé ( et encore moins persécuté ) par la République. Or, une partie de l’opinion musulmane – la plus minoritaire mais aussi la plus extrémiste – s’emploie à le faire croire à la majorité paisible des musulmans. Sous couvert de respect religieux, elle sape et attaque, chaque fois que l’occasion s’en présente, les valeurs occidentales. Ce sont elles, en effet, que haïssent les intégristes, entretenant la confusion entre Islam et islamisme. Le second est pourtant à la première ce que pourrait être l’eugénisme racial du XXeme siècle à la théorie darwinienne de l’évolution des espèces : une idéologie meurtrière. Cette situation, qui s’est accentuée au tournant des années 2000 avec les attentats de New-York puis la riposte américaine en Afghanistan et en Irak, vient d’une époque bien plus lointaine. Elle a partie liée avec notre passé de pays colonialiste. Dans la mesure où la France doute de ses propres valeurs ; dans la mesure où elle reconnaît avec sincérité les profits qu’elle a pu réaliser sur le dos de ses anciennes colonies, alors de tous côtés les descendants des colonisés protestent et font entendre leur droit à la différence. Ils ne le font plus à travers un parti politique , comme dans les années 60, mais à travers la religion de leurs aïeux ( qu’ils veulent ainsi venger ). A ceci prés que ce n’est plus de l’Islam originel qu’il est question , mais d’une religiosité dévoyée dans la politique et ouvert sur le pire fanatisme.
Allons-nous vers un choc des civilisations, selon le concept cher à Hutinghton ? Ou assistons-nous, du moins en France, à ce qu’on pourrait appeler un retour du refoulé, par comparaison avec la théorie freudienne des névroses ? A chacun d’en décider et de se positionner d’une façon , nous l’espérons, qui ne cède pas à l’intolérance et aux amalgames stupides.


GORGE PROFONDE

14:40 Publié dans Numéro 2 | Lien permanent | Commentaires (0)

ITER : pourquoi un débat public ? ( Puisque tout est joué d’avance)

Jusqu’à maintenant, l’Etat et ses relais que sont les collectivités locales ne prenaient pas la peine de consulter le peuple quand ils lançaient un grand projet d’aménagement. Qui nous a demandé notre avis sur le projet Euroméditérranée ou pour la ligne aixoise du TGV ? Personne , évidemment. Avec force louanges, les gouvernants mettent en œuvre des chantiers publics et les gouvernés n’ont que le choix de les accepter , même s’ils peuvent protester par quelques manifestations, çà et là. Après tout, cela a toujours été comme ça - et même pire ! - à quelque époque ou sous quelque régime que ce soit. Entre les uns et les autres, la partition était alors sans équivoque.
Or, voici qu’en ce début d’année 2006, on nous parle de débat public – c’est sans doute l’un des effets de la politique européenne – à propos d’un projet aussi important qu’ITER. De quoi est-il question, en quelques mots ? D’installer à Cadarache – haut lieu du nucléaire français – un réacteur expérimental de fusion qui recrérait en laboratoire les conditions d’échanges énergétiques que l’on peut trouver sur le soleil. Bien entendu, il s’agit avec ITER – « le chemin », en latin - de proposer une alternative aux énergies dites « fossiles » ( pétrole, charbon) en voie de raréfaction. Noble tâche qu’il faut cependant nuancer en rappelant qu’ITER est une installation de recherche internationale et qu’à ce titre-là, elle ne produira pas d’électricité, ou toute autre énergie propre à la consommation courante. Concrètement, voilà comment ses concepteurs ont planifié le déroulement des opérations : 10 ans pour sa construction, 20 ans pour son exploitation et 20 ans pour son démantèlement. Cette entreprise prométhéenne , sans application commerciale directe, a un coût : 10 milliards d’euros ! Même répartis sur 40 années et entre 32 pays, cela reste une somme colossale qui aura forçément des répercussions sur les impôts locaux. Quoiqu’on nous dise, ce ne sont pas les créations annexes à ce projet ( comme une école pour les enfants des techniciens étrangers) qui vont constituer un apport économique un tant soit peu équilibrant pour notre région. D’autre part, il y a, bien sûr, les modifications que tout cela va entraîner sur l’environnement. Et ne parlons pas du risque d’une catastrophe de type Tchernobyl qui n’est pas complètement nul, même avec un dispositif renforcé de sécurité. Autant de raisons de ne pas être tout à fait rassuré.
Mais le plus agaçant, dans tout cela, est encore l’hypocrisie avec laquelle on enrobe cette affaire. En divers lieux de la PACA, on organise des réunions publiques, on invite le citoyen lambda à exprimer son opinion. Comme si vous et moi avions une voix au chapître ; comme si nous pouvions influer négativement sur le cours des choses, alors même que les premières équipes japonaises, russes, chinoises et américaines sont déjà sur place. Dans ce cas, il aurait fallu nous en parler bien avant. Ce n’est même pas de la poudre aux yeux car personne n’est dupe. Non, ce à quoi on assiste ici, c’est à la mise en scène du pouvoir qui cherche à se donner bonne conscience à travers cette mascarade de démocratie. Une parodie de débat en forme d’effet d’annonce - ou vice-versa. Quoiqu’il en soit, on se fout démocratiquement de nous.



Erik PANIZZA

14:35 Publié dans Numéro 2 | Lien permanent | Commentaires (0)

Le one-man-show de Fabrice Burgaud

Il s’est présenté, gêné et compassé, devant les caméras, pour rendre à son tour des comptes à la commission d’enquêtes parlementaires . Une audition publique devant des millions de télespectateurs : on n’avait encore jamais vu ça en France. Le visage pâle et crispé, les cheveux courts, le verbe hésitant : Fabrice Burgaud, 34 ans, n’était pas, aux dires de certains, dans son meilleur jour. Et si, tout au contraire, il avait réalisé une grande performance de comédien ? Si son masque pathétique n’était que l’envers savamment peaufiné de son vrai visage de juge instructeur dans ce scandaleux procés d’Outreau ? Nous savons bien que dans une situation où l’enjeu personnel est élevé, mieux vaut faire profil bas car l’assurance pourrait vite apparaître comme de l’arrogance. C’est évidemment différent dans une situation de pouvoir : et il en a eu du pouvoir, ce jeune juge dont les décisions ont brisé les vies de 14 innocents ! Nous aurions préféré le voir et l’entendre avant tout ce remue-ménage, dans son cabinet, comme l’ont vu et entendu ses victimes. Selon David Brunet, l’un des acquittés ( après 743 jours de prison), « il était cassant et ne doutait jamais ». Cela est certainement beaucoup plus conforme à sa vraie nature . La preuve qu’il n’a pas changé intérieurement, c’est sans doute que, malgré sa prétendue compassion, il n’a eu aucun mot d’excuse pour ceux qu’il a injustement envoyés en prison, qu’il a même estimé avoir fait honnêtement son travail. Alors on peut bien mettre son attitude sur le compte de sa jeunesse ; on peut critiquer l’institution judiciaire qui ne l’a pas assez accompagné au moment de l’instruction ; on peut, comme le procureur Gerard Lesigne ( auditionné après lui), reconnaître que le « mythe de la pédophilie » trouble un peu trop les esprits actuellement ; il n’en reste pas moins que Fabrice Burgaud a failli à ses fonctions, qu’il est sinon coupable , du moins responsable d’une catastrophe humaine et sociale et qu’à ce titre-là, il mérite d’être révoqué. Dans ce cas, nous lui suggérons de se recycler ( à l’instar de Bernard Tapie ) dans le théâtre et la télévision. Car il est à peu prés certain que ses dons de comédien pourraient lui valoir rapidement un César.


Bruno DA CAPO

14:35 Publié dans Numéro 2 | Lien permanent | Commentaires (0)