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11/04/2012

Santé : les failles d’un système

 

   

 

 

S’il y a des dépenses que les Français ne peuvent pas toujours rogner, ce sont bien celles de leur santé. Ce pôle-là tend, bien sûr, à s’accroitre avec l’âge mais, jusqu’à ces dernières années, la couverture santé du régime général, avec ou sans mutuelle, palliait à la plupart des achats de médicaments. Force est de constater que cette époque est hélas révolue. Le déremboursement accéléré, que nous subissons tous,  touche de plus en plus de médicaments usuels qui n’ont pourtant rien à voir avec ces pseudos produits à visée esthétique qui constituent le superflu des ménagères. Veut-on un exemple ? La Piasclédine 300 est efficace contre l’arthrose, mais c’est un traitement qui court sur plusieurs mois. Or, le prix de la boite de 15 gélules tourne autour de 8 euros et le patient doit maintenant assumer seul cette dépense, certes modeste à priori mais qui s’inscrit dans une longue liste d’achats de santé, à commencer par les produits d’automédication contre les maux de l’hiver. Cette situation est encore accentuée par la dérégulation des prix qui fait que le même article peut couter entre 30 et 50 % plus cher selon les pharmacies où l’on entre. Bien entendu, on peut toujours faire jouer la concurrence et chercher la pharmacie qui pratiquera les tarifs les plus avantageux – pour ne pas dire les plus honnêtes. Mais cela peut prendre pas mal de temps et l’on n’en a pas toujours, surtout lorsqu’on est souffrant. Allez vous étonner après ça que les traitements soient souvent écourtés et que les affections mal soignées persistent au-delà d’une durée normale.

Si, au moins, les pharmaciens continuaient à prodiguer les conseils qu’attendent les patients et qui complètent les prescriptions médicales. Mais dans ce secteur aussi, on assiste à une occultation de plus en plus fréquente de cette dimension humaine au profit d’une rentabilité à court terme. Dans un article de Sophie Manelli paru dans la Provence du 31 mars dernier, l’enquête faisait apparaître que près de 80% des pharmaciens marseillais ne prennent plus le temps d’écouter le patient qui se présente à eux avec sa feuille de soins. Un dialogue, même bref, peut permettre pourtant d’éviter des associations médicamenteuses nocives à la santé. Voilà à quel niveau nous sommes descendus, en France, au motif des sempiternelles obligations d’économie et de rentabilité. La Sécurité Sociale reprendra peut-être des couleurs, mais ce sera au grand dam des assurés sociaux. L’une des tâches les plus urgentes du prochain gouvernement sera, précisément, de mettre à plat ce système et de lui apporter, avec l’éthique qui s’impose, un peu plus de soins financiers. Deux approches qui ne s’excluent pas lorsqu’il s’agit de notre bien commun.

 

                             Christian ILLICH   

05/04/2012

Haro sur le bourreau

 

                        

 

 

 

 Décédé en 2008, à l’âge de 77 ans, Fernand Meyssonnier exerça, durant la première partie de sa vie, une profession assez rare et désormais historique : celle de bourreau. Il faut entendre cette appellation dans son sens littéral, c'est-à-dire exécuteur des hautes œuvres pour le compte de l’Etat Français. Précisément, c’est en Algérie qu’il officia entre 1957 et 1962 ; une brève mais intense période d’activité puisqu’il procéda, disait-il, à près de 200 exécutions. Mais le vent de l’Histoire soufflait en sens inverse. Rentré en métropole et prématurément à la retraite, Fernand Meyssonnier se lança alors dans une collecte tout aussi originale d’objets de justice récents et anciens, bric-à-brac assez inquiétant mais qui donnait à méditer  l’inventivité des hommes pour torturer leurs semblables. Cette collection, forte de plusieurs centaines de  pièces, aboutit finalement à un discret musée dans la charmante commune de Fontaine de Vaucluse.

Ce musée, je l’ai visité avec la plus grande attention en 1998, pour la rédaction d’un long article paru dans « Muséum International », la revue de l’UNESCO. Ce n’était pas une boutique des horreurs, comme certains l’ont laissé croire. Et je peux dire que s’il m’a donné parfois des frissons – notamment devant sa pièce maîtresse, une Guillotine modèle 1868 -, il présentait, à travers bon nombre d’objets et de documents, un indéniable intérêt historique. L’art n’était d’ailleurs pas absent de ces murs ; ainsi ces admirables cassolettes réalisées par des bagnards,  dont la beauté faisait presqu’oublier les déterminations  éprouvantes de leur création.

Déjà, de son vivant, Meyssonnier songeait à vendre sa collection, jugeant trop accaparante la gestion d’un musée voué à la confidentialité. Lui parti, rien ne s’opposait donc à sa dispersion et c’était le renommé Pierre Cornette de Saint-Cyr qui devait mener, fin mars, cette affaire dans ses locaux parisiens. Personne ne pensait que l’annonce de cette vente allait provoquer un véritable tollé. Plusieurs associations humanitaires s’y opposèrent farouchement (Amnesty International, le MRAP, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), au motif qu’elle était « une commercialisation de la torture ». A quoi  l’actuel Ministre de la Culture – qui ne caresse jamais l’opinion  à rebrousse-poil –  devait joindre sa propre voix d’esthète indigné par tant de barbarie, donnant un vernis d’officialité à cette bêlante bien-pensance. Les dés étaient jetés, la vente suspendue sine die et les acheteurs potentiels – des sadiques, forcément – priés d’aller voir ailleurs.

Tant de niaiseries et d’arguments ineptes, de la part d’hommes supposés cultivés, font frémir au moins autant que les fleurons de la collection Meyssonier. Au-delà de tous les clichés, cette affaire en dit long sur la force du conformisme et de la censure dans la France contemporaine. Tout ce qui n’entonne pas le crédo du moment, tout ce qui rappelle la puissance du mal en  l’homme est blacklisté, écarté, refoulé plus que jamais. Les objets rassemblés par Meyssonnier, pour saisissants qu’ils puissent être, appartiennent à notre histoire, relèvent d’une pédagogie que l’on aurait bien tort de reléguer aux oubliettes. Ils ne peuvent être comparés à ces reliques morbides que laissent derrière eux tant de serial-killers et qui font les beaux jours des enchères américaines. Par conséquent, les remettre sur le marché, même avec les avertissements qui s’imposent, n’est pas en soi une menace pour la société ni une atteinte aux Droits de l’Homme. Mais, à l’inverse, s’y opposer constitue une violation de la liberté de ses ayants-droits et un important manque-à-gagner pour eux. Il est vrai que l’Algérie, non plus, ne voyait pas d’un bon œil cette fameuse vente en cette année qui marque le cinquantième anniversaire de son indépendance. Mais ceci est une autre histoire.

 

 

                              Jacques LUCCHESI

03/04/2012

Le printemps birman

 

                       

 

 

 Aung San Suu Kyi et son parti, la Ligue Nationale pour la Démocratie, ont donc remporté, dimanche dernier, ces premières élections libres en Birmanie. Victoire magistrale puisque 43 sièges de députés – sur 44 à pourvoir – leur sont revenus. Dans les images en provenance de Rangoon, Aung San Suu Kyi semblait heureuse mais fatiguée par toutes ces années de lutte et de privation de liberté. Le chemin fut long et douloureux, mais son courage et son obstination ont quand même fini par faire bouger les pièces de cet échiquier. Certes, la junte militaire reste  aux commandes, mais l’ex-Prix Nobel de la Paix entre, malgré tout, au gouvernement et va pouvoir ainsi exercer une action propre à accélérer la démocratisation complète de son pays. Est-ce que, d’ici là, le peuple birman bénéficiera du retour annoncé des investissements étrangers ? Nous ne pouvons, bien sûr, que l’espérer avec lui. Car nul ne veut croire, devant tant de liesse, que tout cela ne soit qu’une nouvelle couche de maquillage sur un système politique verrouillé.

Mais, au juste, pourquoi parler ici de la Birmanie ? Ce  pays du sud-est asiatique est sûrement le dernier des soucis pour la plupart des Français râleurs que nous sommes. N’avons-nous pas assez à faire et à penser avec nos propres élections, dans quelques semaines ? Sans doute, mais une poussée démocratique, n’importe où dans le monde, reste un augure favorable que chacun doit méditer. C’est une fleur fragile dans un terreau où abondent souvent les mauvaises herbes ; une petite fleur qu’il s’agit de soigner pour amener à une totale éclosion. Aujourd’hui, cette fleur a un visage : celui, beau, doux et grave, de la Dame de Rangoon. Car Aung San Suu Kyi - assurément, la plus grande femme politique de notre temps – rayonne bien au-delà des frontières de son pays. Son parcours et son action méritent d’inspirer tous ceux, hommes et femmes confondus, qui luttent aussi pour une vie meilleure en Occident.

 

                           Bruno DA CAPO