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15/03/2012

Bruissements (5)

 

 

 

 

 

Bayonne : Nicolas Sarkozy pensait-il déguster une tranche du fameux jambon en se rendant à Bayonne, le 1er mars dernier ? Hélas pour lui, la saison était plutôt aux œufs brouillés - ceux lancés directement sur sa voiture avec force sifflets et lazzis. Il faut dire que le comité d’accueil, composé en grande partie de séparatistes basques, n’était pas, cette fois, à sa botte. Et son état-major – NKM en  tête – d’accuser les socialistes d’avoir ourdi cet attentat contre sa royale personne. Comme si François Hollande avait accusé l’UMP d’avoir commandité son enfarinement à Lille, le mois d’avant. Comme si le locataire de l’Elysée, malgré ce qu’il peut déclarer, vivait depuis cinq ans une histoire d’amour sans nuages avec la France.

 

Adoubement : quand les soutiens manquent chez soi, pourquoi ne pas aller les chercher à l’étranger ? C’est ce qu’a fait notre cher président en appelant à la rescousse tout ce que l’Europe compte en dirigeants droitistes, d’Angela Merkel à David Cameron. Une façon de se faire adouber, par ces temps de fédéralisme européen, ou un simple aveu de faiblesse ? Seulement ces chefs de gouvernement sont aussi les représentants d’une majorité politique et, à ce titre-là, ils ne peuvent avoir le statut de sages. D’autre part, ils ne représentent pas, bien sûr, la seule politique possible en Europe. Leur prise de position en faveur de Sarkozy est parfaitement illégitime. François Hollande a eu beau jeu de rappeler que cette élection présidentielle est d’abord celle du peuple français. Et celui-ci, moins que jamais, n’a pas l’intention de se la faire confisquer par des instances extra-nationales.  

 

Humilité : une autre astuce présidentielle est de changer, comme on dit, son fusil d’épaule. Oubliées les déclarations fracassantes et volontaristes de sa campagne de 2007 ; voici venu le temps de la repentance et de l’humilité, du moins devant les caméras. Pour peu il se ferait passer pour le protecteur des plus pauvres. Il aimerait bien apparaître aux yeux des Français comme ce président du peuple, ne songeant qu’aux intérêts de la France, sacrifiant sa vie personnelle pour elle. Le loup perd ses poils mais pas ses vices. Et les Français – peuple de  sceptiques s’il en est – ne risquent guère d’être dupes de ses véritables intentions, même s’ils apprécient certainement sa performance de comédien. Sarkozy est allé jusqu’à réaffirmer que, dans le cas où il serait désavoué par les urnes, il abandonnerait la vie politique. Souhaitons qu’il tienne au moins cette promesse dans le cas – probable – où cette hypothèse se réaliserait bientôt. Pour le bien, sinon de la France, du moins des Français. Et peut-être aussi pour son bien propre….

 

Divisions et convergence : il y a des déclarations politiques qui ne manquent pas de saveur. C’est ainsi que ces jours-ci, quelques ténors de l’UMP ont accusé les médias d’être partisans – au profit de François Hollande. Selon eux, journaux et télés n’en n’auraient que pour le candidat socialiste (qui baisse malgré tout dans les sondages), négligeant de répercuter la seule parole qui vaille, c'est-à-dire celle de leur champion. Comme si Nicolas Sarkozy n’avait pas les moyens de se faire entendre quand il le souhaitait. Pour mieux diviser le camp de gauche, on ressort une vidéo vieille de quinze ans où Mélenchon critique Hollande. La belle affaire ! C’est mesquin et signe, à l’évidence, d’un certain désarroi à droite. Heureusement qu’il y a, au moins, une proposition qui fait l’unanimité de l’extrême gauche à l’extrême droite : celle de taxer plus lourdement les évadés fiscaux. Peut-être un début de « mélenchonisation des esprits », selon le mot goguenard du leader du Front de Gauche.

 

Homs : correspondante en Syrie du Figaro, Edith Bouvier n’aura pas connu la triste fin de Gilles Jacquier et de Rémi Ochlik : tant mieux ! Blessée à la jambe, la journaliste a pu, après maintes tractations, être évacuée de la ville martyre de Homs et ramenée dans notre douce France. A ceux qui se demanderaient ce qu’elle était allée faire dans cet enfer syrien, il n’y a qu’une réponse à fournir : son métier. Et si à quelque chose malheur est bon, ces victimes occidentales aideront peut-être à l’accroissement des sanctions internationales – voire à une intervention  militaire – contre le boucher de Damas.

 

 

                                Erik PANIZZA

12/03/2012

Les avatars d’Ulysse

 


La campagne électorale va son train, à coups de petites phrases, de dérapages verbaux, de palinodies calculées et de repentirs impudiques. Il semble qu’on soit entré dans une surenchère de multiples promesses entre les challengers, alors qu’on sait que l’avenir qui nous attend est celui de l’Espagne, de l’Italie et qui sait de la Grèce. Les grands problèmes semblent gommés de la campagne. N’en pas parler surtout, il faut communiquer et rassurer ! Que peut une campagne qui ne dit pas les vrais enjeux qui nous occupent, lesquels très vite nous rattraperont ? C’est très précisément à quoi nous sommes confrontés aujourd’hui même. Même les médias s’enferrent dans leur proximité avec les politiques. Quoique les bons docteurs puissent dire sur notre état chagrin, la crise est grave et loin d’être guérie. Les médecins de Molière sont kyrielle. Mais nous, qui sommes malades, qu’y pouvons-nous ? On ne veut plus de Sarkozy, l’affaire est entendue. Veut-on pour autant de Bayrou, d’Hollande, de Marine et du fier à bras Mélenchon ? Pas plus. La quadrature est là : si l’on veut se débarrasser de l’hôte de l’Elysée, si humble quand il est en campagne, si arrogant quand il est au pouvoir, il faut voter Hollande, qu’on ne sent pas très fiable. Qu’en est-il par exemple de sa stature auprès des autres dirigeants du monde ? Bayrou ? Il y a du Don Quichotte en lui, et les moulins qu’il pourfend vaillamment par son « produire en France » sont les  cours financiers, la pagaille du monde qui n’est, il faut le dire, plus régie par personne. Marine Le Pen veut nous réduire à revenir au franc. Pourquoi pas au denier ? Mélenchon, en tribun convaincu, sait bien que les mots seuls ne peuvent changer le monde... Une telle agitation donne bien sûr le tournis. Il semble que nous, Français, sommes à côté de nos baskets dans ce Monopoly qu’est devenu le monde. Nous n’avons pas encore pris la mesure qu’une élection n’obéit pas aux mêmes règles qu’une téléréalité ou qu’un jeu vidéo. Nos concurrents économiques mondiaux ne seront pas réduits en appuyant uniquement sur un bouton. Mais notre peuple vénère les beaux discours et le chant des sirènes. Je crains qu’Ulysse ne rejoigne son île d’Ithaque déguisé en Français. Pire même : en mendiant bleu-blanc-rouge !

                                             Yves CARCHON      





07/03/2012

Biopics

 

 

                           

 

 

Dans le jargon cinématographique actuel, un biopic est un film consacré à une personnalité historique, quel que soit son domaine d’action. C’est dire que le genre n’est pas nouveau, même s’il connaît, en ce début d’année 2012, un regain de prospérité, précisément avec deux films qui l’illustrent assez parfaitement. Deux films qui se centrent sur deux personnalités controversées du monde politique, l’une ayant œuvré dans l’ombre, l’autre sur le devant de la scène. Deux personnalités particulièrement rigides et obnubilées par le bien public, dont les méthodes ont abouti à en faire des ennemis du peuple : l’Américain John Edgar Hoover, chef tout puissant du FBI et la Britannique Margaret Thatcher, premier ministre de l’Angleterre entre 1979 et 1990.

Le premier, « J. Edgar » est signé par Clint Eastwood – dont le talent de cinéaste fait à présent presqu’oublier qu’il a été naguère un acteur starifié. Le rôle éponyme est tenu par Léonardo Di Caprio qui réussit là un remarquable travail de composition. A travers lui, ce sont cinquante années de l’histoire américaine qu’Eastwood nous dévide par flash-backs. C’est aussi, bien entendu, le portrait d’un homme dont le succès professionnel repose, en grande partie, sur un désastre intime. Un homme dont le goût du pouvoir et l’obsession sécuritaire l’amenèrent rapidement à entreprendre le fichage de tous les Américains, y compris le plus célèbres comme le président Kennedy. Voit-on mieux son actualité ? Les personnages secondaires sont également très bien tenus, à commencer par Helen Gandy, la secrétaire dévouée de John Edgar Hoover, jouée par Naomi Watts (brune pour la circonstance). Aucun temps mort dans ce film de 2H15 qui déconstruit autant qu’il parachève cette sombre légende américaine.  

Quant au second, cette « Dame de fer » réalisé par Phyllida Lloyd, il aborde le parcours existentiel et politique de Margaret Thatcher par le chemin de sa mémoire – ou de ce qu’il en reste – au soir de sa vie. Il est servi par une Meryl Streep au sommet de son art : un Oscar est venu, depuis, récompenser son éblouissante  interprétation. Si la vieillesse et la maladie, points de départ de cette biographie,  rendent  pathétique le portrait de l’autoritaire « Maggie » (désormais cloitrée dans son domicile londonien), elles ne peuvent occulter son action à la tête du gouvernement anglais qui lui a valu ce froid surnom. Sous sa férule, grèves et syndicats furent impitoyablement réprimés, les lois sociales sacrifiées sur l’autel de l’économie libérale – dont l’arrogance s’est, depuis, étendue à l’Europe entière. On ne gouverne pas une nation de 50 millions d’habitants avec des préceptes d’épicier et le film, malgré son caractère partisan, s’attache aussi à mettre en scène ses adversaires politiques et leurs critiques cinglantes, mixant au besoin des images d’archives pour rappeler l’intransigeance thatchérienne. Dans un aller-retour constant entre sa vieillesse déboussolée  et ses jeunes années, il nous restitue la genèse de sa formation politique et de ses convictions libérales. Comme il nous livre en pointillés des pans de sa vie privée, à partir de la rencontre avec son futur époux. Une mention spéciale pour Jim Broadbent, étonnant de fantaisie dans le rôle de son vieux mari. A voir certainement, mais sans jamais oublier l’horreur économique initiée en Angleterre par Lady Thatcher.       

 

 

                                       Serge DANON