Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30/10/2018

          Vers une loi sur les accents ?

      

 

 

 Dans l’ouragan politico-judiciaire qu’a subi, voici deux semaines, Jean-Luc Mélenchon, il y a sans doute une foucade de trop. L’homme privé a des circonstances atténuantes, le responsable politique n’en a pas. Car si on peut comprendre ses récriminations à l’encontre de l’actuel gouvernement, on ne peut admettre la violence de ses propos envers des journalistes faisant simplement leur travail. Vis-à-vis d’eux, c’est peu dire que le patron de la France Insoumise a souvent dérapé. Et personne n’a oublié ses remarques méprisantes face à un jeune stagiaire qui suivait sa campagne présidentielle de 2012.

C’est à peu près sur le même ton qu’il a accueilli la question d’une journaliste de FR3 région, mercredi 17 octobre devant l’Assemblée Nationale. Il est vrai qu’elle remuait le couteau dans la plaie en l’interrogeant sur ses déclarations, quelques mois plus tôt, sur les déboires judiciaires de Fillon et Le Pen. Mais fallait-il, même agacé, parodier son accent sudiste en renversant les rôles? Fallait-il disqualifier sa question et la « jeter » en demandant à la cantonade qu’on lui pose « une question formulée en français » ?

 Une telle arrogance a, bien sûr, provoqué, non seulement la réprobation de l’ensemble des gens de presse mais aussi les moqueries de ses adversaires politiques – comme Renaud Muselier. Mélenchon n’est-il pas allé se faire élire député à Marseille, ville où l’on en rajoute volontiers en matière d’accent ? Car l’accent est une composante inséparable du parler populaire et Mélenchon – lui-même né au Maroc – ne défend pas, à ce qu’on sache, la France des privilégiés et des snobs. Voilà qui révèle un déplaisant sentiment de supériorité vis-à-vis de ses compatriotes. C’est ainsi qu’on se discrédite, même avec  des excuses prononcées du bout des lèvres, auprès de son électorat. 

Mais que penser, d’autre part, de la députée macroniste Laetitia Avia qui, dès le lendemain, a proposé une loi sur la discrimination par l’accent ? Scientifiquement parlant, cela s’appellerait de la glottophobie : la belle affaire ! Car sous l’intention généreuse vis-à-vis des traumatisés linguistiques perce un dessein beaucoup plus torve visant à réduire un peu plus la liberté d’expression dans ce pays. Quand on sait qu’elle s’exprime principalement contre le système que madame Avia représente, on comprend mieux son empressement à la faire voter. Depuis une bonne dizaine d’années, il y a une inflation de lois dans ce pays. On légifère sur tout et rien sans d’ailleurs que les citoyens en soient clairement informés. Or, des lois qui sont ignorées du plus grand nombre peuvent, théoriquement, faire autorité ; mais elles ne feront pas consensus dans les cas où elles sont prévues. Faut-il ajouter, au nom du politiquement correct, encore  plus de coercition et de division quand un peu de tolérance suffirait à s’entendre dans tous les sens du terme ? Non, bien entendu. Voilà ce qu’on appelle une fausse bonne idée.

 

Jacques LUCCHESI